{"title":"menard和我们","authors":"G. Genette","doi":"10.58282/lht.1774","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"J’ai trop contribue moi-meme a l’extravagante fortune critique de cette fiction borgesienne — fortune qui finissait par incommoder son auteur, pourtant si indulgent aux errements gratuits de son public —, pour y revenir a la faveur d’un sommaire de revue consacre a son heros malgre lui, que j’ai effectivement, mais un peu plus tard, etourdiment appele « notre ami, et confrere », et qui doit en avoir, lui aussi, les dents agacees. Je ne souhaite donc pas trop entrer, ou rentrer, apres tant d’autres, dans cette hyperfiction qui est devenue une tarte a la creme de la poetique moderne, voire postmoderne et wikimediatique. « Ami », bien sur, n’engage a rien de theorique, mais si je veux justifier en quelques mots celui, plus modeste mais plus militant, de « confrere », les voici : nous tous, « hypocrites » ou innocents lecteurs, agissons sans le savoir comme Pierre Menard, nous qui, sans jamais y changer un mot, et du seul fait de notre lecture et de notre simple presence, modifions chaque page que nous lisons ou relisons : en mecanique quantique, cela s’appelle, je crois, une « relation d’incertitude », et ce sont les plus fecondes. A chaque lecture, chaque livre est mentalement « reecrit » par son lecteur comme Menard reecrivit le Quichotte. Ainsi, l’infatigable fable borgesienne est peut-etre moins une parabole sophistiquee de la litterature, qu’une description fidele et somme toute evidente de l’acte de lire. En cela, Menard n’est pas seulement notre confrere : litteralement,","PeriodicalId":126948,"journal":{"name":"Fabula-Lht : Pierre Ménard, notre ami et ses confrères","volume":"1 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2016-07-14","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Ménard et nous\",\"authors\":\"G. Genette\",\"doi\":\"10.58282/lht.1774\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"J’ai trop contribue moi-meme a l’extravagante fortune critique de cette fiction borgesienne — fortune qui finissait par incommoder son auteur, pourtant si indulgent aux errements gratuits de son public —, pour y revenir a la faveur d’un sommaire de revue consacre a son heros malgre lui, que j’ai effectivement, mais un peu plus tard, etourdiment appele « notre ami, et confrere », et qui doit en avoir, lui aussi, les dents agacees. Je ne souhaite donc pas trop entrer, ou rentrer, apres tant d’autres, dans cette hyperfiction qui est devenue une tarte a la creme de la poetique moderne, voire postmoderne et wikimediatique. « Ami », bien sur, n’engage a rien de theorique, mais si je veux justifier en quelques mots celui, plus modeste mais plus militant, de « confrere », les voici : nous tous, « hypocrites » ou innocents lecteurs, agissons sans le savoir comme Pierre Menard, nous qui, sans jamais y changer un mot, et du seul fait de notre lecture et de notre simple presence, modifions chaque page que nous lisons ou relisons : en mecanique quantique, cela s’appelle, je crois, une « relation d’incertitude », et ce sont les plus fecondes. A chaque lecture, chaque livre est mentalement « reecrit » par son lecteur comme Menard reecrivit le Quichotte. Ainsi, l’infatigable fable borgesienne est peut-etre moins une parabole sophistiquee de la litterature, qu’une description fidele et somme toute evidente de l’acte de lire. En cela, Menard n’est pas seulement notre confrere : litteralement,\",\"PeriodicalId\":126948,\"journal\":{\"name\":\"Fabula-Lht : Pierre Ménard, notre ami et ses confrères\",\"volume\":\"1 1\",\"pages\":\"0\"},\"PeriodicalIF\":0.0000,\"publicationDate\":\"2016-07-14\",\"publicationTypes\":\"Journal Article\",\"fieldsOfStudy\":null,\"isOpenAccess\":false,\"openAccessPdf\":\"\",\"citationCount\":\"0\",\"resultStr\":null,\"platform\":\"Semanticscholar\",\"paperid\":null,\"PeriodicalName\":\"Fabula-Lht : Pierre Ménard, notre ami et ses confrères\",\"FirstCategoryId\":\"1085\",\"ListUrlMain\":\"https://doi.org/10.58282/lht.1774\",\"RegionNum\":0,\"RegionCategory\":null,\"ArticlePicture\":[],\"TitleCN\":null,\"AbstractTextCN\":null,\"PMCID\":null,\"EPubDate\":\"\",\"PubModel\":\"\",\"JCR\":\"\",\"JCRName\":\"\",\"Score\":null,\"Total\":0}","platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Fabula-Lht : Pierre Ménard, notre ami et ses confrères","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.58282/lht.1774","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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