{"title":"在北美电影和电视剧中对奴隶船的描绘","authors":"M. Lepers","doi":"10.4000/slaveries.1817","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Si les esclaves noirs ont toujours ete representes dans les films de plantation du cinema hollywoodien, la traversee de l’Atlantique – le Passage du milieu – est quant a elle restee largement ignoree par les productions. Penses par et pour un public blanc, les films adoptaient le plus souvent la perspective des maitre.sse.s du sud de l’antebellum, neutralisant ainsi l’esclavage comme scandale historique. Le retournement du point de vue des colons blancs aux esclaves noirs dans le sillage de mouvements comme la blaxploitation permet l’apparition des premieres images de la traversee transatlantique au tournant des annees 1970‑1980. Deux series de representation du Passage du milieu emergent alors : l’adaptation televisuelle de Racines (Roots, ABC, 1977), le roman historique d’Alex Haley et, plus tard, Amistad (Steven Spielberg, 1997). Palliant un manque criant d’images et s’appuyant sur des sources documentaires assez proches – les memoires de Olaudah Equiano, notamment –, les deux productions sont pendant longtemps les seules a proposer des images explicites de la traversee. Elles s’imposent de fait comme des modeles de representation, dont s’inspirent deux series nord‑americaines sur l’esclavage en 2015‑2016 : The Book of Negroes (Clement Virgo, CBC, 2015) et le remake eponyme de Racines (Will Packer, History Channel, 2016). A travers ces quatre productions, cet article entend analyser les conventions de mise en scene de la traversee transatlantique dans les productions audiovisuelles americaines. Il propose, pour ce faire, de s’interesser en details au navire negrier, un decor souvent neglige au profit d’autres espaces typiques du recit esclavagiste, de l’Afrique paradisiaque au Vieux Sud, utopique ou decadent. Le vaisseau est d’abord percu comme un lieu de violence extreme, dont l’architecture incarne le traumatisme physique et psychique de la commodification (la transformation des corps noirs esclavises en objets a marchander). Pour autant, en depit de sa violence, ce decor s’envisage egalement comme un lieu de resistance, voire comme un « lieu de memoire » (Pierre Nora) : theâtre de la revolte, il rend aux esclaves noirs du cinema et des series americaines une histoire et des origines, et participe ainsi a la restauration de leur agency. Reste cependant a questionner le type de memoire du Passage du milieu et de l’esclavage que fait emerger ce decor dans les productions cinematographiques et televisuelles americaines : en ne s’attardant que sur la violence individuelle de la traversee, les films et series analyses perdent de vue l’esclavage comme systeme, et participent ainsi a minimiser les responsabilites historiques des nations engagees dans la traite.","PeriodicalId":402021,"journal":{"name":"Esclavages & Post-esclavages","volume":"51 15","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2020-05-19","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Les représentations du bateau négrier dans le cinéma et les séries télévisées nord‑américains\",\"authors\":\"M. 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Palliant un manque criant d’images et s’appuyant sur des sources documentaires assez proches – les memoires de Olaudah Equiano, notamment –, les deux productions sont pendant longtemps les seules a proposer des images explicites de la traversee. Elles s’imposent de fait comme des modeles de representation, dont s’inspirent deux series nord‑americaines sur l’esclavage en 2015‑2016 : The Book of Negroes (Clement Virgo, CBC, 2015) et le remake eponyme de Racines (Will Packer, History Channel, 2016). A travers ces quatre productions, cet article entend analyser les conventions de mise en scene de la traversee transatlantique dans les productions audiovisuelles americaines. Il propose, pour ce faire, de s’interesser en details au navire negrier, un decor souvent neglige au profit d’autres espaces typiques du recit esclavagiste, de l’Afrique paradisiaque au Vieux Sud, utopique ou decadent. 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Les représentations du bateau négrier dans le cinéma et les séries télévisées nord‑américains
Si les esclaves noirs ont toujours ete representes dans les films de plantation du cinema hollywoodien, la traversee de l’Atlantique – le Passage du milieu – est quant a elle restee largement ignoree par les productions. Penses par et pour un public blanc, les films adoptaient le plus souvent la perspective des maitre.sse.s du sud de l’antebellum, neutralisant ainsi l’esclavage comme scandale historique. Le retournement du point de vue des colons blancs aux esclaves noirs dans le sillage de mouvements comme la blaxploitation permet l’apparition des premieres images de la traversee transatlantique au tournant des annees 1970‑1980. Deux series de representation du Passage du milieu emergent alors : l’adaptation televisuelle de Racines (Roots, ABC, 1977), le roman historique d’Alex Haley et, plus tard, Amistad (Steven Spielberg, 1997). Palliant un manque criant d’images et s’appuyant sur des sources documentaires assez proches – les memoires de Olaudah Equiano, notamment –, les deux productions sont pendant longtemps les seules a proposer des images explicites de la traversee. Elles s’imposent de fait comme des modeles de representation, dont s’inspirent deux series nord‑americaines sur l’esclavage en 2015‑2016 : The Book of Negroes (Clement Virgo, CBC, 2015) et le remake eponyme de Racines (Will Packer, History Channel, 2016). A travers ces quatre productions, cet article entend analyser les conventions de mise en scene de la traversee transatlantique dans les productions audiovisuelles americaines. Il propose, pour ce faire, de s’interesser en details au navire negrier, un decor souvent neglige au profit d’autres espaces typiques du recit esclavagiste, de l’Afrique paradisiaque au Vieux Sud, utopique ou decadent. Le vaisseau est d’abord percu comme un lieu de violence extreme, dont l’architecture incarne le traumatisme physique et psychique de la commodification (la transformation des corps noirs esclavises en objets a marchander). Pour autant, en depit de sa violence, ce decor s’envisage egalement comme un lieu de resistance, voire comme un « lieu de memoire » (Pierre Nora) : theâtre de la revolte, il rend aux esclaves noirs du cinema et des series americaines une histoire et des origines, et participe ainsi a la restauration de leur agency. Reste cependant a questionner le type de memoire du Passage du milieu et de l’esclavage que fait emerger ce decor dans les productions cinematographiques et televisuelles americaines : en ne s’attardant que sur la violence individuelle de la traversee, les films et series analyses perdent de vue l’esclavage comme systeme, et participent ainsi a minimiser les responsabilites historiques des nations engagees dans la traite.