{"title":"世界","authors":"Essai D'UNIVERSALISME, Paul Otlet","doi":"10.1163/9789004206106_eifo_dum_dcl694","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Pour les associations d’éducation populaire comme pour leurs adhérents, il est important d’avoir des références fortes auxquelles se tenir. C’est à partir d’un héritage socioculturel, que l’on reçoit et que l’on s’approprie, qu’avec le temps on se construit et on devient porteur d’initiatives. C’est en act ivant ses propres ressources personnelles, c’est-àdire ses émotions, ses envies, ses besoins, ses projets d’avenir, que chacun de nous se met en mouvement dans l’échange social, porté par des désirs d’être, pour soimême et pour les autres. De là, il n’y aurait qu’un pas à faire vers l’engagement associatif. Dans les associations, encore aujourd’hui, on peut se permettre d’oser, d’imaginer d’autres types de relations économiques, de production, de bénéfices, de valeurs. Dans toute organisation collective, les champs du possible s’élargissent. Au moment où idéo logues e t médias réunis tentent d’effacer de notre société la référence associative, nous devons réaffirmer nos idées de respect, de tolérance, de solidarité, de fraternité. Non, tout n’est pas qu’individualisation. Notre idéal collectif produit du lien socia l , du v iv re ensemble, de l’échange social où chacun reçoit, à un moment donné, ce qu’il a semé. Dans nos associations, nous vivons l ’ a u t h e n t i c i t é d e s r a p p o r t s humains. Notre légitimité associative est de fait, peu ou prou, en relation avec un enracinement dans des réalités vécues par le corps ou par l’esprit, sur un mode partiel et/ou partial. La sincérité de notre militance associative laïque ne doit pas être parodiée. Nous devons veiller à ce que nos associations, notre fédération, notre confédération, ne deviennent pas des officines, des c o n c l av e s d e n o t a b l e s , d e s machines à s’autopromouvoir. Toute association doit se faire de l’intérieur, en mobilisant les ress o u r c e s h u m a i n e s d e s e s membres, faites de capacités collectives et d’engagement personnel. L’assemblée générale de la FAL, à laquelle vous êtes invités à participer, sera l’occasion de faire, comme chaque année, un travail d’introspection et une rétrospective sur l’année écoulée, sans excès de propension ni au narcissisme et à l’autosatisfaction ni à l’humilité et au renoncement. L’équipe de rédaction E n condamnant les lois de 1905, le pape Benoît XV (pape de 1914 à 1922) témoigne d’une méprise qu’il faut en permanence élucider. Les adversaires de la laïcité,quels que soient les arguments qu’ils invoquent, persistent dans cette méprise,entretenant la confusion ainsi qu’une polémique obstinée. Les alliances récentes entre les différentes autorités religieuses dans l’affaire des caricatures prouvent que l’intégrisme ne désarme pas. On persiste à oublier que les lois de 1905, se référant à l’une des valeurs fondamentales de la République, proclament la totale liberté des opinions, des croyances et du culte. Mais elles refusent toute suprématie d’une quelconque idéologie,et toute ingérence d’une institution religieuse dans les affaires publiques.Les hussards noirs de la République, considérés comme des suppôts de Satan dans une “école sans Dieu”,avaient pour mission de diffuser un savoir universel dégagé des croyances et des idéologies. Il fallait en finir avec des livres d’histoire qui passaient sous silence la Révolution française, avec des livres où la science recourait au merveilleux divin ; en finir avec un enseignement réduit à une doctrine.L’école laïque se fonde sur l’égalité absolue des enfants devant la connaissance ;elle est une école d’émancipation de la pensée. Jamais à court d’arguments,les cléricaux sont allés jusqu’à l’accuser d’être inféodée à la doctrine marxiste.Depuis sa création, l’école laïque a pourtant multiplié les compromis afin d’affirmer clairement son idéal de tolérance :attribution d’un jour de congé hebdomadaire pouvant être consacré à l’éducation religieuse,création légale d’aumôneries dans les internats ; un calendrier calqué sur celui des fêtes catholiques,ce qui ne va pas sans poser problème devant l’actuelle multiplicité des cultures et des religions. Mais François Mitterrand doit, sous la pression des tenants de l’école confessionnelle, renoncer à son projet d’un “grand service public d’éducation”. Ce n’est pas de gaieté de cœur que les partisans de la laïcité ont dû admettre, au sein de la République, l’existence de deux écoles ; ce n’est pas sans indignation qu’ils voient les gouvernements successifs consentir à l’école privée d’énormes subventions. Ces écoles, ont affirmé des responsables politiques,sont fréquentées par des enfants de la République, et tous les enfants de la République ont les mêmes droits. Il se trouve des partisans de la laïcité pour penser qu’on dévoie considérablement le principe de l’égalité. On doit aujourd’hui envisager l’existence d’autres écoles patronnées par d’autres idéologies. Dans les rues de Paris, on voit se perpétrer les actes d’une guerre civile qu’on croyait révolue : le principe de la Fraternité en prend un sacré coup ! Ceux qui pensent que la laïcité était une posture révolue, voire archaïque, admettront pourtant que c’est lorsqu’elle est bafouée que surgissent à nouveau l’archaïsme et la barbarie, la haine et la guerre tribale, sans merci. Parce qu’elle assume ses refus, la laïcité se voit accusée d’intolérance ou de sectarisme. La tolérance laïque ne souffre aucun compromis, l’idéal dont elle se réclame impl iquant précisément le refus de toute forme d’intolérance. Nous sommes au cœur d’un paradoxe que Voltaire, déjà cent fois cité, illustre en affirmant : “Je ne suis pas d’accord avec vos idées, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer.” La laïcité n’est pas une secte ; elle ne se constitue pas en partis d’aucune sorte : elle est un principe de liberté. Elle rejoint en cela une conception chrétienne.Aux reproches faits à la religion concernant l’existence du mal, les chrétiens répondent que l’homme a été créé libre, libre en particulier de choisir le bien ou le mal. Quand la laïcité défend la liberté d’expression,elle prend le risque de toutes les dérives, y compris la dérive blasphématoire. En aucun cas, elle ne peut condamner les auteurs des blasphèmes ; en aucun cas, elle ne peut admettre qu’un représentant du gouvernement fasse (secrètement) pression sur la justice pour obtenir le retrait d’un journal coupable de caricature. En aucun cas,elle ne peut tolérer les actes de violence et de terreur qui viennent d’éclater. La laïcité n’est donc pas un intégrisme face à d’autres intégrismes.Elle se réclame de l’absolu ;c’est jouer sur les mots,rétorqueront ses adversaires ;non,parce que l’absolu ne s’érige pas en terrorisme,mais tout compromis le met en danger. Ceci posé,les dilemmes ne sont pas résolus pour autant ;on peut appliquer à la laïcité ce qu’un journaliste de Charlie Hebdo appliquait à la liberté d’expression : “Ce n’est pas un confort, c’est un combat.” Cependant,nous ne pouvons faire l’économie de définir les limites de l’intolérable. Il est juste que Sacco et Vanzetti soient condamnés pour un crime, si la justice réunit les preuves de leur culpabilité ; nous ne pouvons tolérer que,faute de preuves tangibles, ils soient exécutés pour l’exemple, sur ordre du gouverneur Palmer, parce qu’ils sont des symboles, c’est-à-dire parce DOSSIER","PeriodicalId":253216,"journal":{"name":"Livre de poche des statistiques mondiales 2019","volume":"371 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2019-05-31","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"3","resultStr":"{\"title\":\"Monde\",\"authors\":\"Essai D'UNIVERSALISME, Paul Otlet\",\"doi\":\"10.1163/9789004206106_eifo_dum_dcl694\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"Pour les associations d’éducation populaire comme pour leurs adhérents, il est important d’avoir des références fortes auxquelles se tenir. 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Notre idéal collectif produit du lien socia l , du v iv re ensemble, de l’échange social où chacun reçoit, à un moment donné, ce qu’il a semé. Dans nos associations, nous vivons l ’ a u t h e n t i c i t é d e s r a p p o r t s humains. Notre légitimité associative est de fait, peu ou prou, en relation avec un enracinement dans des réalités vécues par le corps ou par l’esprit, sur un mode partiel et/ou partial. La sincérité de notre militance associative laïque ne doit pas être parodiée. Nous devons veiller à ce que nos associations, notre fédération, notre confédération, ne deviennent pas des officines, des c o n c l av e s d e n o t a b l e s , d e s machines à s’autopromouvoir. Toute association doit se faire de l’intérieur, en mobilisant les ress o u r c e s h u m a i n e s d e s e s membres, faites de capacités collectives et d’engagement personnel. L’assemblée générale de la FAL, à laquelle vous êtes invités à participer, sera l’occasion de faire, comme chaque année, un travail d’introspection et une rétrospective sur l’année écoulée, sans excès de propension ni au narcissisme et à l’autosatisfaction ni à l’humilité et au renoncement. L’équipe de rédaction E n condamnant les lois de 1905, le pape Benoît XV (pape de 1914 à 1922) témoigne d’une méprise qu’il faut en permanence élucider. Les adversaires de la laïcité,quels que soient les arguments qu’ils invoquent, persistent dans cette méprise,entretenant la confusion ainsi qu’une polémique obstinée. Les alliances récentes entre les différentes autorités religieuses dans l’affaire des caricatures prouvent que l’intégrisme ne désarme pas. On persiste à oublier que les lois de 1905, se référant à l’une des valeurs fondamentales de la République, proclament la totale liberté des opinions, des croyances et du culte. Mais elles refusent toute suprématie d’une quelconque idéologie,et toute ingérence d’une institution religieuse dans les affaires publiques.Les hussards noirs de la République, considérés comme des suppôts de Satan dans une “école sans Dieu”,avaient pour mission de diffuser un savoir universel dégagé des croyances et des idéologies. Il fallait en finir avec des livres d’histoire qui passaient sous silence la Révolution française, avec des livres où la science recourait au merveilleux divin ; en finir avec un enseignement réduit à une doctrine.L’école laïque se fonde sur l’égalité absolue des enfants devant la connaissance ;elle est une école d’émancipation de la pensée. Jamais à court d’arguments,les cléricaux sont allés jusqu’à l’accuser d’être inféodée à la doctrine marxiste.Depuis sa création, l’école laïque a pourtant multiplié les compromis afin d’affirmer clairement son idéal de tolérance :attribution d’un jour de congé hebdomadaire pouvant être consacré à l’éducation religieuse,création légale d’aumôneries dans les internats ; un calendrier calqué sur celui des fêtes catholiques,ce qui ne va pas sans poser problème devant l’actuelle multiplicité des cultures et des religions. Mais François Mitterrand doit, sous la pression des tenants de l’école confessionnelle, renoncer à son projet d’un “grand service public d’éducation”. Ce n’est pas de gaieté de cœur que les partisans de la laïcité ont dû admettre, au sein de la République, l’existence de deux écoles ; ce n’est pas sans indignation qu’ils voient les gouvernements successifs consentir à l’école privée d’énormes subventions. Ces écoles, ont affirmé des responsables politiques,sont fréquentées par des enfants de la République, et tous les enfants de la République ont les mêmes droits. Il se trouve des partisans de la laïcité pour penser qu’on dévoie considérablement le principe de l’égalité. On doit aujourd’hui envisager l’existence d’autres écoles patronnées par d’autres idéologies. Dans les rues de Paris, on voit se perpétrer les actes d’une guerre civile qu’on croyait révolue : le principe de la Fraternité en prend un sacré coup ! Ceux qui pensent que la laïcité était une posture révolue, voire archaïque, admettront pourtant que c’est lorsqu’elle est bafouée que surgissent à nouveau l’archaïsme et la barbarie, la haine et la guerre tribale, sans merci. Parce qu’elle assume ses refus, la laïcité se voit accusée d’intolérance ou de sectarisme. La tolérance laïque ne souffre aucun compromis, l’idéal dont elle se réclame impl iquant précisément le refus de toute forme d’intolérance. Nous sommes au cœur d’un paradoxe que Voltaire, déjà cent fois cité, illustre en affirmant : “Je ne suis pas d’accord avec vos idées, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer.” La laïcité n’est pas une secte ; elle ne se constitue pas en partis d’aucune sorte : elle est un principe de liberté. Elle rejoint en cela une conception chrétienne.Aux reproches faits à la religion concernant l’existence du mal, les chrétiens répondent que l’homme a été créé libre, libre en particulier de choisir le bien ou le mal. Quand la laïcité défend la liberté d’expression,elle prend le risque de toutes les dérives, y compris la dérive blasphématoire. En aucun cas, elle ne peut condamner les auteurs des blasphèmes ; en aucun cas, elle ne peut admettre qu’un représentant du gouvernement fasse (secrètement) pression sur la justice pour obtenir le retrait d’un journal coupable de caricature. En aucun cas,elle ne peut tolérer les actes de violence et de terreur qui viennent d’éclater. La laïcité n’est donc pas un intégrisme face à d’autres intégrismes.Elle se réclame de l’absolu ;c’est jouer sur les mots,rétorqueront ses adversaires ;non,parce que l’absolu ne s’érige pas en terrorisme,mais tout compromis le met en danger. Ceci posé,les dilemmes ne sont pas résolus pour autant ;on peut appliquer à la laïcité ce qu’un journaliste de Charlie Hebdo appliquait à la liberté d’expression : “Ce n’est pas un confort, c’est un combat.” Cependant,nous ne pouvons faire l’économie de définir les limites de l’intolérable. Il est juste que Sacco et Vanzetti soient condamnés pour un crime, si la justice réunit les preuves de leur culpabilité ; nous ne pouvons tolérer que,faute de preuves tangibles, ils soient exécutés pour l’exemple, sur ordre du gouverneur Palmer, parce qu’ils sont des symboles, c’est-à-dire parce DOSSIER\",\"PeriodicalId\":253216,\"journal\":{\"name\":\"Livre de poche des statistiques mondiales 2019\",\"volume\":\"371 1\",\"pages\":\"0\"},\"PeriodicalIF\":0.0000,\"publicationDate\":\"2019-05-31\",\"publicationTypes\":\"Journal Article\",\"fieldsOfStudy\":null,\"isOpenAccess\":false,\"openAccessPdf\":\"\",\"citationCount\":\"3\",\"resultStr\":null,\"platform\":\"Semanticscholar\",\"paperid\":null,\"PeriodicalName\":\"Livre de poche des statistiques mondiales 2019\",\"FirstCategoryId\":\"1085\",\"ListUrlMain\":\"https://doi.org/10.1163/9789004206106_eifo_dum_dcl694\",\"RegionNum\":0,\"RegionCategory\":null,\"ArticlePicture\":[],\"TitleCN\":null,\"AbstractTextCN\":null,\"PMCID\":null,\"EPubDate\":\"\",\"PubModel\":\"\",\"JCR\":\"\",\"JCRName\":\"\",\"Score\":null,\"Total\":0}","platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Livre de poche des statistiques mondiales 2019","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1163/9789004206106_eifo_dum_dcl694","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Au moment où idéo logues e t médias réunis tentent d’effacer de notre société la référence associative, nous devons réaffirmer nos idées de respect, de tolérance, de solidarité, de fraternité. Non, tout n’est pas qu’individualisation. Notre idéal collectif produit du lien socia l , du v iv re ensemble, de l’échange social où chacun reçoit, à un moment donné, ce qu’il a semé. Dans nos associations, nous vivons l ’ a u t h e n t i c i t é d e s r a p p o r t s humains. Notre légitimité associative est de fait, peu ou prou, en relation avec un enracinement dans des réalités vécues par le corps ou par l’esprit, sur un mode partiel et/ou partial. La sincérité de notre militance associative laïque ne doit pas être parodiée. Nous devons veiller à ce que nos associations, notre fédération, notre confédération, ne deviennent pas des officines, des c o n c l av e s d e n o t a b l e s , d e s machines à s’autopromouvoir. Toute association doit se faire de l’intérieur, en mobilisant les ress o u r c e s h u m a i n e s d e s e s membres, faites de capacités collectives et d’engagement personnel. L’assemblée générale de la FAL, à laquelle vous êtes invités à participer, sera l’occasion de faire, comme chaque année, un travail d’introspection et une rétrospective sur l’année écoulée, sans excès de propension ni au narcissisme et à l’autosatisfaction ni à l’humilité et au renoncement. L’équipe de rédaction E n condamnant les lois de 1905, le pape Benoît XV (pape de 1914 à 1922) témoigne d’une méprise qu’il faut en permanence élucider. Les adversaires de la laïcité,quels que soient les arguments qu’ils invoquent, persistent dans cette méprise,entretenant la confusion ainsi qu’une polémique obstinée. Les alliances récentes entre les différentes autorités religieuses dans l’affaire des caricatures prouvent que l’intégrisme ne désarme pas. On persiste à oublier que les lois de 1905, se référant à l’une des valeurs fondamentales de la République, proclament la totale liberté des opinions, des croyances et du culte. Mais elles refusent toute suprématie d’une quelconque idéologie,et toute ingérence d’une institution religieuse dans les affaires publiques.Les hussards noirs de la République, considérés comme des suppôts de Satan dans une “école sans Dieu”,avaient pour mission de diffuser un savoir universel dégagé des croyances et des idéologies. Il fallait en finir avec des livres d’histoire qui passaient sous silence la Révolution française, avec des livres où la science recourait au merveilleux divin ; en finir avec un enseignement réduit à une doctrine.L’école laïque se fonde sur l’égalité absolue des enfants devant la connaissance ;elle est une école d’émancipation de la pensée. Jamais à court d’arguments,les cléricaux sont allés jusqu’à l’accuser d’être inféodée à la doctrine marxiste.Depuis sa création, l’école laïque a pourtant multiplié les compromis afin d’affirmer clairement son idéal de tolérance :attribution d’un jour de congé hebdomadaire pouvant être consacré à l’éducation religieuse,création légale d’aumôneries dans les internats ; un calendrier calqué sur celui des fêtes catholiques,ce qui ne va pas sans poser problème devant l’actuelle multiplicité des cultures et des religions. Mais François Mitterrand doit, sous la pression des tenants de l’école confessionnelle, renoncer à son projet d’un “grand service public d’éducation”. Ce n’est pas de gaieté de cœur que les partisans de la laïcité ont dû admettre, au sein de la République, l’existence de deux écoles ; ce n’est pas sans indignation qu’ils voient les gouvernements successifs consentir à l’école privée d’énormes subventions. Ces écoles, ont affirmé des responsables politiques,sont fréquentées par des enfants de la République, et tous les enfants de la République ont les mêmes droits. Il se trouve des partisans de la laïcité pour penser qu’on dévoie considérablement le principe de l’égalité. On doit aujourd’hui envisager l’existence d’autres écoles patronnées par d’autres idéologies. Dans les rues de Paris, on voit se perpétrer les actes d’une guerre civile qu’on croyait révolue : le principe de la Fraternité en prend un sacré coup ! Ceux qui pensent que la laïcité était une posture révolue, voire archaïque, admettront pourtant que c’est lorsqu’elle est bafouée que surgissent à nouveau l’archaïsme et la barbarie, la haine et la guerre tribale, sans merci. Parce qu’elle assume ses refus, la laïcité se voit accusée d’intolérance ou de sectarisme. La tolérance laïque ne souffre aucun compromis, l’idéal dont elle se réclame impl iquant précisément le refus de toute forme d’intolérance. Nous sommes au cœur d’un paradoxe que Voltaire, déjà cent fois cité, illustre en affirmant : “Je ne suis pas d’accord avec vos idées, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer.” La laïcité n’est pas une secte ; elle ne se constitue pas en partis d’aucune sorte : elle est un principe de liberté. Elle rejoint en cela une conception chrétienne.Aux reproches faits à la religion concernant l’existence du mal, les chrétiens répondent que l’homme a été créé libre, libre en particulier de choisir le bien ou le mal. Quand la laïcité défend la liberté d’expression,elle prend le risque de toutes les dérives, y compris la dérive blasphématoire. En aucun cas, elle ne peut condamner les auteurs des blasphèmes ; en aucun cas, elle ne peut admettre qu’un représentant du gouvernement fasse (secrètement) pression sur la justice pour obtenir le retrait d’un journal coupable de caricature. En aucun cas,elle ne peut tolérer les actes de violence et de terreur qui viennent d’éclater. La laïcité n’est donc pas un intégrisme face à d’autres intégrismes.Elle se réclame de l’absolu ;c’est jouer sur les mots,rétorqueront ses adversaires ;non,parce que l’absolu ne s’érige pas en terrorisme,mais tout compromis le met en danger. Ceci posé,les dilemmes ne sont pas résolus pour autant ;on peut appliquer à la laïcité ce qu’un journaliste de Charlie Hebdo appliquait à la liberté d’expression : “Ce n’est pas un confort, c’est un combat.” Cependant,nous ne pouvons faire l’économie de définir les limites de l’intolérable. Il est juste que Sacco et Vanzetti soient condamnés pour un crime, si la justice réunit les preuves de leur culpabilité ; nous ne pouvons tolérer que,faute de preuves tangibles, ils soient exécutés pour l’exemple, sur ordre du gouverneur Palmer, parce qu’ils sont des symboles, c’est-à-dire parce DOSSIER