{"title":"Résistance du VIH aux antirétroviraux","authors":"François Clavel","doi":"10.1016/S0924-4204(00)80027-X","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><p>Au cours des cinq dernières années, l'apparition de nouvelles classes de molécules actives sur le VIH (virus de l'immunodéficience humaine) ainsi que l'utilisation de ces antirétroviraux en combinaisons par trois (trithérapies) ont donné lieu à des résultats spectaculaires dans la thérapeutique de l'infection par ce virus. Chez les patients traités d'emblée par des combinaisons d'antiviraux, on a assisté à la disparition de toute réplication virale détectable ainsi qu'à une restauration progressive du système immunitaire, accompagnée par une disparition des signes cliniques du siad <span>[2]</span>, <span>[22]</span>, <span>[23]</span>, <span>[27]</span>. Parallèlement à ces avancées remarquables, l'existence d'antirétroviraux capable d'inhiber profondément la réplication virale a permis de démontrer que l'infection par le VIH se caractérise par une dynamique extrêmement active <span>[9]</span>, <span>[28]</span>, <span>[51]</span>, <span>[64]</span>. Ainsi, on s'est aperçu que les particules virales détectées dans le sang, qui sont le reflet du nombre des cellules infectées dans l'ensemble de l'organisme et de l'activité de l'infection, n'ont été produites que quelques heures auparavant par des cellules elles-mêmes infectées par le virus moins de 2 j plus tôt <span>[51]</span>. Pour se maintenir dans un organisme infecté, le VIH doit donc en permanence ré-infecter de nouvelles cellules : c'est cette propriété qui le rend vulnérable aux antirétroviraux dont on constate aujourd'hui le succès en thérapeutique. Mais à l'inverse, on sait également que le constant renouvellement des cycles de réplication du VIH au cours de l'infection a pour corollaire la très grande variabilité génétique de ce virus : en multipliant les cycles de réplication, le virus multiplie les variants viraux porteurs de mutations dont certaines peuvent lui donner les moyens d'échapper aux antirétroviraux. Ces mutations sont le fruit d'erreurs introduites au hasard par la transcriptase inverse, au rythme d'une substitution par cycle réplicatif et par génome viral environ <span>[54]</span>. C'est cette propriété du VIH qui justifie l'ensemble des stratégies thérapeutiques développées aujourd'hui dans le traitement de l'infection et qui reposent sur l'axiome que toute inhibition insuffisante de la réplication virale chez sur l'axiome que toute inhibition insuffisante de la réplication virale chez les patients traités va conduire invariablement à la sélection de mutants résistants.</p><p>On sait que tout individu infecté est porteur d'une population très hétérogène de variants viraux au sein de laquelle plusieurs substitutions de chaque acide aminé peuvent être présentes simultanément <span>[21]</span>, <span>[44]</span>. Si on traite un patient par un antiviral unique, et si une mutation suffit à induire la résistance à cet antiviral, le virus résistant est présent avant même que le traitement soit entamé, ce qui conduit à son échec inévitable. Si, à l'inverse, on traite un patient par une combinaison d'antirétroviraux envers lesquels la résistance ne peut s'exprimer qu'à la suite de l'accumulation de plusieurs mutations complémentaires, on observe que cette accumulation n'est possible que lorsqu'on laisse le virus multiplier les cycles de réplication, donnant naissance à l'émergence puis à la sélection, du fait de la présence des antiviraux au site de la réplication virale, des mutations de résistance combinées. C'est effectivement ce qui se passe lorsqu'on poursuit un traitement antirétroviral dont l'activité est insuffisante. Les premiéres observations de virus résistants aux antirétroviraux ont été faites chez des patients traités en monothérapie par l'AZT (zidovudine), puis en bithérapie par des analogues de nucléosides <span>[6]</span>, <span>[37]</span>, <span>[38]</span>. Même si leur activité antirétrovirale n'était qu'assez modeste, l'échec à moyen ou long terme de ces traitements était principalement dû au fait que cette insuffisance d'activité se traduit inévitablement par l'émergence de mutants résistants et par un retour de la charge virale plasmatique à ses valeurs préthérapeutiques. Même avec les trithérapies, on observe qu'environ 30 % des patients traités aujourd'hui en France sont en situation d'échec virologique par rapport à leur traitement, ce qui s'associe dans la presque totalité des cas à la présence de souches virales résistantes. Ces échecs de trithérapies sont principalement le fait de patients ayant reçu des mono- ou bithérapies nucléosidiques dans le passé, ayant développé des souches virales résistantes à cette classe d'antirétroviraux, et chez qui les trithérapies ont perdu une partie importante de leur potentiel d'activité <span>[12]</span>, <span>[27]</span>. On recontre malgré tout des cas de plus en plus nombreux d'échecs de trithérapies chez des patients n'ayant auparavant reçu aucun traitement antirétroviral, et chez lesquels les mécanismes de l'activité insuffisante du traitement ne sont pas toujours bien compris. On invoque alors des défauts d'observance du traitement par les patients ou les profils pharmacocinétiques défavorables de certains des antirétroviraux. Dans toutes ces situations, les virologues cherchent à mieux comprendre les mécanismes virologiques de la perte de sensibilité du VIH aux antirétroviraux, et aussi à mieux savoir détecter et mesurer cette résistance dans le but de la contourner plus efficacement.</p></div>","PeriodicalId":92867,"journal":{"name":"Annales de l'Institut Pasteur. 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Abstract
Au cours des cinq dernières années, l'apparition de nouvelles classes de molécules actives sur le VIH (virus de l'immunodéficience humaine) ainsi que l'utilisation de ces antirétroviraux en combinaisons par trois (trithérapies) ont donné lieu à des résultats spectaculaires dans la thérapeutique de l'infection par ce virus. Chez les patients traités d'emblée par des combinaisons d'antiviraux, on a assisté à la disparition de toute réplication virale détectable ainsi qu'à une restauration progressive du système immunitaire, accompagnée par une disparition des signes cliniques du siad [2], [22], [23], [27]. Parallèlement à ces avancées remarquables, l'existence d'antirétroviraux capable d'inhiber profondément la réplication virale a permis de démontrer que l'infection par le VIH se caractérise par une dynamique extrêmement active [9], [28], [51], [64]. Ainsi, on s'est aperçu que les particules virales détectées dans le sang, qui sont le reflet du nombre des cellules infectées dans l'ensemble de l'organisme et de l'activité de l'infection, n'ont été produites que quelques heures auparavant par des cellules elles-mêmes infectées par le virus moins de 2 j plus tôt [51]. Pour se maintenir dans un organisme infecté, le VIH doit donc en permanence ré-infecter de nouvelles cellules : c'est cette propriété qui le rend vulnérable aux antirétroviraux dont on constate aujourd'hui le succès en thérapeutique. Mais à l'inverse, on sait également que le constant renouvellement des cycles de réplication du VIH au cours de l'infection a pour corollaire la très grande variabilité génétique de ce virus : en multipliant les cycles de réplication, le virus multiplie les variants viraux porteurs de mutations dont certaines peuvent lui donner les moyens d'échapper aux antirétroviraux. Ces mutations sont le fruit d'erreurs introduites au hasard par la transcriptase inverse, au rythme d'une substitution par cycle réplicatif et par génome viral environ [54]. C'est cette propriété du VIH qui justifie l'ensemble des stratégies thérapeutiques développées aujourd'hui dans le traitement de l'infection et qui reposent sur l'axiome que toute inhibition insuffisante de la réplication virale chez sur l'axiome que toute inhibition insuffisante de la réplication virale chez les patients traités va conduire invariablement à la sélection de mutants résistants.
On sait que tout individu infecté est porteur d'une population très hétérogène de variants viraux au sein de laquelle plusieurs substitutions de chaque acide aminé peuvent être présentes simultanément [21], [44]. Si on traite un patient par un antiviral unique, et si une mutation suffit à induire la résistance à cet antiviral, le virus résistant est présent avant même que le traitement soit entamé, ce qui conduit à son échec inévitable. Si, à l'inverse, on traite un patient par une combinaison d'antirétroviraux envers lesquels la résistance ne peut s'exprimer qu'à la suite de l'accumulation de plusieurs mutations complémentaires, on observe que cette accumulation n'est possible que lorsqu'on laisse le virus multiplier les cycles de réplication, donnant naissance à l'émergence puis à la sélection, du fait de la présence des antiviraux au site de la réplication virale, des mutations de résistance combinées. C'est effectivement ce qui se passe lorsqu'on poursuit un traitement antirétroviral dont l'activité est insuffisante. Les premiéres observations de virus résistants aux antirétroviraux ont été faites chez des patients traités en monothérapie par l'AZT (zidovudine), puis en bithérapie par des analogues de nucléosides [6], [37], [38]. Même si leur activité antirétrovirale n'était qu'assez modeste, l'échec à moyen ou long terme de ces traitements était principalement dû au fait que cette insuffisance d'activité se traduit inévitablement par l'émergence de mutants résistants et par un retour de la charge virale plasmatique à ses valeurs préthérapeutiques. Même avec les trithérapies, on observe qu'environ 30 % des patients traités aujourd'hui en France sont en situation d'échec virologique par rapport à leur traitement, ce qui s'associe dans la presque totalité des cas à la présence de souches virales résistantes. Ces échecs de trithérapies sont principalement le fait de patients ayant reçu des mono- ou bithérapies nucléosidiques dans le passé, ayant développé des souches virales résistantes à cette classe d'antirétroviraux, et chez qui les trithérapies ont perdu une partie importante de leur potentiel d'activité [12], [27]. On recontre malgré tout des cas de plus en plus nombreux d'échecs de trithérapies chez des patients n'ayant auparavant reçu aucun traitement antirétroviral, et chez lesquels les mécanismes de l'activité insuffisante du traitement ne sont pas toujours bien compris. On invoque alors des défauts d'observance du traitement par les patients ou les profils pharmacocinétiques défavorables de certains des antirétroviraux. Dans toutes ces situations, les virologues cherchent à mieux comprendre les mécanismes virologiques de la perte de sensibilité du VIH aux antirétroviraux, et aussi à mieux savoir détecter et mesurer cette résistance dans le but de la contourner plus efficacement.