{"title":"Quand l’empereur marie sa fille : la dot de Gisèle, fille de Louis le Pieux et de Judith, en son contexte","authors":"R. L. Jan","doi":"10.3406/rbph.2018.9201","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Le mariage de Gisele, fille de Louis le Pieux et de Judith, avec Evrard, un membre du groupe puissant Unrochide et titulaire d’honores en Frioul au service de Lothaire Ier, s’inscrit dans le contexte des negociations devant regler la succession imperiale, a la fin des annees 830. Par son ampleur inhabituelle, son caractere fiscal, sa situation geographique, la dot qui fut accordee a Gisele revele les enjeux de la competition qui s’est jouee a l’echelle de l’empire et dans les regions transfrontalieres, entre les annees 830 et la fin du ixe siecle. Sa puissance symbolique etait le substrat materiel d’un lien cree par le mariage d’Evrard et de la fille de l’empereur. Elle a ensuite ete instrumentalisee par de nombreux acteurs : par le couple Evrard – Gisele qui l’a repartie entre ses fils cadets pour permettre a l’aine de recevoir l’heritage italien et alemanique, et qui a aussi reussi a fonder sur un de ces fiscs un monastere, confie a l’un des fils, ou Gisele elle-meme ferait entretenir la memoria familiale, sur le modele des reines ; par le groupe unrochide qui n’a pas manque de s’appuyer sur ces biens en Francie et en Lotharingie pour gagner en puissance ; par Charles le Chauve qui conservait des droits sur ces biens fiscaux, qui les a confisques, restitues, au gre de ses relations avec Evrard et son groupe. Le devenir des biens, envisage a l’echelle locale et a l’echelle imperiale, montre que le champ symbolique etait lui-meme evalue, negocie, hierarchise, puisque, du vivant d’Evrard, le couple a finalement prefere prendre le risque de perdre tout ou partie de la dot pour gagner en prestige et puissance du cote de Louis ii en Italie. Mais a l’inverse, une fois veuve, Gisele a choisi de quitter l’Italie, ou son fils aine avait pris la place du pere, pour retrouver ses biens dotaux en Francie, au prix de sa soumission, au moins apparente, a son frere et a ses ambitions imperiales. L’analyse de la dot permet ainsi, en faisant varier la focale, de reinserer Gisele dans le contexte global pour retrouver l’unite de sa personne, tout en laissant place au temps, au deroulement de la vie d’une femme, soumise aux aleas de la politique et aux pressions, mais parfaitement consciente de son statut et sans doute de ses objectifs.","PeriodicalId":44528,"journal":{"name":"REVUE BELGE DE PHILOLOGIE ET D HISTOIRE","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2018-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"REVUE BELGE DE PHILOLOGIE ET D HISTOIRE","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.3406/rbph.2018.9201","RegionNum":4,"RegionCategory":"文学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Le mariage de Gisele, fille de Louis le Pieux et de Judith, avec Evrard, un membre du groupe puissant Unrochide et titulaire d’honores en Frioul au service de Lothaire Ier, s’inscrit dans le contexte des negociations devant regler la succession imperiale, a la fin des annees 830. Par son ampleur inhabituelle, son caractere fiscal, sa situation geographique, la dot qui fut accordee a Gisele revele les enjeux de la competition qui s’est jouee a l’echelle de l’empire et dans les regions transfrontalieres, entre les annees 830 et la fin du ixe siecle. Sa puissance symbolique etait le substrat materiel d’un lien cree par le mariage d’Evrard et de la fille de l’empereur. Elle a ensuite ete instrumentalisee par de nombreux acteurs : par le couple Evrard – Gisele qui l’a repartie entre ses fils cadets pour permettre a l’aine de recevoir l’heritage italien et alemanique, et qui a aussi reussi a fonder sur un de ces fiscs un monastere, confie a l’un des fils, ou Gisele elle-meme ferait entretenir la memoria familiale, sur le modele des reines ; par le groupe unrochide qui n’a pas manque de s’appuyer sur ces biens en Francie et en Lotharingie pour gagner en puissance ; par Charles le Chauve qui conservait des droits sur ces biens fiscaux, qui les a confisques, restitues, au gre de ses relations avec Evrard et son groupe. Le devenir des biens, envisage a l’echelle locale et a l’echelle imperiale, montre que le champ symbolique etait lui-meme evalue, negocie, hierarchise, puisque, du vivant d’Evrard, le couple a finalement prefere prendre le risque de perdre tout ou partie de la dot pour gagner en prestige et puissance du cote de Louis ii en Italie. Mais a l’inverse, une fois veuve, Gisele a choisi de quitter l’Italie, ou son fils aine avait pris la place du pere, pour retrouver ses biens dotaux en Francie, au prix de sa soumission, au moins apparente, a son frere et a ses ambitions imperiales. L’analyse de la dot permet ainsi, en faisant varier la focale, de reinserer Gisele dans le contexte global pour retrouver l’unite de sa personne, tout en laissant place au temps, au deroulement de la vie d’une femme, soumise aux aleas de la politique et aux pressions, mais parfaitement consciente de son statut et sans doute de ses objectifs.