Une affaire interne : Le sort et la libération des personnes de condition libre illégalement retenues en esclavage sur le territoire ottoman (XVIe siècle)
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Abstract
La loi islamique appliquee par les Ottomans limitait strictement le droit d'asservir: il etait inadmissible de reduire en esclavage des musulmans, des re'âyâ ou des ressortissants de puissances jouissant d'un'ahdnâme concede par le sultan. Pourtant ce scandale n'etait pas rare, car une assez forte demande favorisait un marche noir des esclaves. Captures par force ou par ruse, aux frontieres mais aussi a l'interieur du territoire ottoman, ces esclaves illegaux etaient victimes de pirates, mais egalement de rebelles, d'autorites locales, de militaires ou de timariotes indelicats, de marchands d'esclaves malhonnetes, d'escrocs de tous genres enfin (qui s'attaquaient aux plus vulnerables: les femmes et les enfants). Une fois vendus loin de chez eux, les malheureux avaient bien du mal a recouvrer leur liberte. C'etait cependant possible, en intentant une action en justice devant le cadi, soit que l'esclave lui-meme put se rendre au tribunal, soit que sa famille et ses voisins ou (s'il etait etranger) son souverain portassent plainte. Selon une procedure qui rappelle celle par laquelle les proprietaires recuperaient leurs esclaves en fuite, il leur fallait prouver qu'ils etaient bien de condition libre, en fournissant des temoins, ou en donnant des indications precises sur leurs origines. Pendant le temps necessaire a l'enquete qui suivait, ils etaient gardes. Les pratiques juridiques et administratives montrent donc que le gouvernement ottoman n'etait pas insensible a cette douloureuse question. Quand l'occasion se presentait, l'administration faisait manifestement le necessaire et liberait les personnes de condition libre selon des modalites differentes en fonction de leur statut, tout en cherchant a eviter la spoliation des proprietaires honnetes. Dans certains cas, quand les circonstances l'exigeaient et que les conditions geographiques le permettaient, on constate meme de grandes enquetes, sur les rivages maritimes ou le long du Danube. Mais ces mesures etaient toujours temporaires, et il n'y avait pas de politique systematique : dans ce domaine comme dans bien d'autres, la Porte agissait au coup par coup et, le plus souvent, ne faisait que reagir a l'initiative de ses sujets ou d'une puissance amie.