Décryptage de l’exposition ‘Le Modèle Noir’ au Musée d’Orsay, ou interroger l’évitement du passé colonial français par le biais de l’anonymat des corps noirs
{"title":"Décryptage de l’exposition ‘Le Modèle Noir’ au Musée d’Orsay, ou interroger l’évitement du passé colonial français par le biais de l’anonymat des corps noirs","authors":"Jennifer Boum Make","doi":"10.3828/franc.2021.3","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"\n“Le modèle noir, de Géricault à Matisse’ est une exposition organisée par Cécile Debray, Stéphane Guégan et Isolde Pludermacher, au musée d’Orsay entre le 26 mars et le 21 juillet 2019. Cet article se propose d’interroger les discours muséaux produits dans le contexte de l’exposition française, notamment les stratégies de neutralisation des termes racisants utilisés à l’époque et de visibilisation des modèles noirs rendus anonymes par la réattribution du nom. Cette interrogation suggère de faire le diagnostic des discours muséaux autour de l’exposition ‘Le modèle noir’, notamment dans leurs manières de dire l’histoire, et plus précisément les aspects sociaux, culturels, politiques et économiques des systèmes esclavagiste et colonial dans le contexte français, ou plutôt de pratiquer le non-dire.\nAinsi, en quoi la muséographie du ‘Modèle noir’ reflète-t-elle le traitement, ou encore l’évitement, du passé colonial français ? Qu’est-ce que cela suppose pour la formulation d’un retour réflexif sur le rapport à l’Autre et ses représentations ? Cet article nous permet donc de questionner la mise sur la ligne de touche, consciente ou non, de l’histoire coloniale française à la lumière d’une ambivalence irrésolue entre la recherche d’une continuité historique et la reconnaissance du passé colonial français et de ses effets. L’impératif de continuité historique prend selon nous la forme d’une inclusion des corps noirs dans le canon de l’art moderne européen jusqu’à les réduire à l’anonymat, et suspend la reconnaissance d’une rupture épistémologique face à des sujets noirs qui interrogent le canon moderniste comme véhicule de codes esthétiques et culturels profondément ancrés dans les réalités coloniales de l’époque.","PeriodicalId":53133,"journal":{"name":"Francospheres","volume":" ","pages":""},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2021-06-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Francospheres","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.3828/franc.2021.3","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
“Le modèle noir, de Géricault à Matisse’ est une exposition organisée par Cécile Debray, Stéphane Guégan et Isolde Pludermacher, au musée d’Orsay entre le 26 mars et le 21 juillet 2019. Cet article se propose d’interroger les discours muséaux produits dans le contexte de l’exposition française, notamment les stratégies de neutralisation des termes racisants utilisés à l’époque et de visibilisation des modèles noirs rendus anonymes par la réattribution du nom. Cette interrogation suggère de faire le diagnostic des discours muséaux autour de l’exposition ‘Le modèle noir’, notamment dans leurs manières de dire l’histoire, et plus précisément les aspects sociaux, culturels, politiques et économiques des systèmes esclavagiste et colonial dans le contexte français, ou plutôt de pratiquer le non-dire.
Ainsi, en quoi la muséographie du ‘Modèle noir’ reflète-t-elle le traitement, ou encore l’évitement, du passé colonial français ? Qu’est-ce que cela suppose pour la formulation d’un retour réflexif sur le rapport à l’Autre et ses représentations ? Cet article nous permet donc de questionner la mise sur la ligne de touche, consciente ou non, de l’histoire coloniale française à la lumière d’une ambivalence irrésolue entre la recherche d’une continuité historique et la reconnaissance du passé colonial français et de ses effets. L’impératif de continuité historique prend selon nous la forme d’une inclusion des corps noirs dans le canon de l’art moderne européen jusqu’à les réduire à l’anonymat, et suspend la reconnaissance d’une rupture épistémologique face à des sujets noirs qui interrogent le canon moderniste comme véhicule de codes esthétiques et culturels profondément ancrés dans les réalités coloniales de l’époque.