{"title":"QUESTION RHETORIQUE ?","authors":"X. Gocko","doi":"10.56746/exercer.2023.190.51","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"« La répétition est la plus forte des figures de rhétorique. » Napoléon Bonaparte « Il faut la faire la 4e/5e dose ? ». Cette question, presque rhétorique pour certains patients, chatouille les oreilles des médecins généralistes qui, comme leurs patients, éprouvent souvent un sentiment d’épuisement face à ces presque trois années de pandémie. Cet épuisement, amplifié par les épidémies de grippe et de bronchiolite, peut même conduire à un désintéressement du sujet Covid-19. Et pourtant, de janvier 2020 à décembre 2021, l’excès de mortalité dû au Covid-19 a été estimé à 14,83 millions dans le monde1. L’espérance de vie a baissé en Europe de plus d’un an, comparée à l’avant-pandémie. Cette baisse est la plus forte observée depuis la Seconde Guerre mondiale. L’organisation des soins est perturbée en Europe2 et l’a aussi été au Québec et au Canada, comme en attestent les témoignages de Légaré et al. dans ce numéro3. Alors « il faut la faire la 4e/5e dose ? ». La question n’est pas rhétorique pour les généralistes, elle mérite une réponse qui relève de l’EBM. Même si la qualité des études varie, les vaccins semblent être sûrs et efficaces pour prévenir les formes graves, les hospitalisations et les décès contre tous les variants. Les réponses aux questions de la dose de rappel, de la baisse de l’immunité, de la durée de l’immunité persistent4. Certaines études ont même montré que l’immunité hybride avait de meilleurs résultats sur les formes graves que l’immunité avec deux doses de vaccins5. D’autres questions émergent, comme celle de l’impact de la vaccination sur le Covid long et les malaises post-effort qui sont décrits dans le recommandé pour exercer de ce numéro 1906. Alors « il faut la faire la 4e/5e dose ? ». La question pour les patients est-elle purement rhétorique ? Certains attendent une réponse, car leur décision ne repose pas uniquement sur des données statistiques. Leur raisonnement (comme le nôtre) est aussi émotionnel et peut reposer sur des erreurs issues de procédures mentales subconscientes de traitement de l’information, alias les biais cognitifs. Dans ce numéro, vous allez découvrir de nombreux biais et pouvoir répondre aux questions des patients. Par exemple, le biais de naturalité fait que le patient pense le virus peu dangereux et qu’il préfère contracter la maladie plutôt que de se faire vacciner7. Imaginons maintenant un patient qui voudrait privilégier « l’immunité naturelle » ; qui aurait lu qu’elle fait mieux que la vaccination et un médecin qui aurait lu la brève d’exercer 189 écrite à partir de l’article du New England Journal of Medicine et l’article sur les biais cognitifs. Le médecin pourrait en douceur faire vaciller la certitude du patient et comparer un pari audacieux de contracter une Covid-19 et celui de se faire vacciner qui semble plus raisonnable. Comment va-t-il lui expliquer tout cela ? Il peut employer les trois dimensions de l’art de convaincre. La première est le logos : la logique du discours, les arguments développés dans l’article de Fiolet et al.4. La deuxième est l’éthos : la crédibilité de celui qui délivre le message, et vous connaissez la relation de confiance des usagers de la santé avec leur médecin généraliste. La troisième est le pathos : l’argumentation par l’affect, et là encore le médecin généraliste sait créer un lien émotionnel. Le tout est de la rhétorique et elle ne s’oppose en rien au modèle de décision partagée mais permet de nourrir son assertivité professionnelle.","PeriodicalId":43847,"journal":{"name":"Exercer-La Revue Francophone de Medecine Generale","volume":" ","pages":""},"PeriodicalIF":0.2000,"publicationDate":"2023-02-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Exercer-La Revue Francophone de Medecine Generale","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.56746/exercer.2023.190.51","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"MEDICINE, GENERAL & INTERNAL","Score":null,"Total":0}
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Abstract
« La répétition est la plus forte des figures de rhétorique. » Napoléon Bonaparte « Il faut la faire la 4e/5e dose ? ». Cette question, presque rhétorique pour certains patients, chatouille les oreilles des médecins généralistes qui, comme leurs patients, éprouvent souvent un sentiment d’épuisement face à ces presque trois années de pandémie. Cet épuisement, amplifié par les épidémies de grippe et de bronchiolite, peut même conduire à un désintéressement du sujet Covid-19. Et pourtant, de janvier 2020 à décembre 2021, l’excès de mortalité dû au Covid-19 a été estimé à 14,83 millions dans le monde1. L’espérance de vie a baissé en Europe de plus d’un an, comparée à l’avant-pandémie. Cette baisse est la plus forte observée depuis la Seconde Guerre mondiale. L’organisation des soins est perturbée en Europe2 et l’a aussi été au Québec et au Canada, comme en attestent les témoignages de Légaré et al. dans ce numéro3. Alors « il faut la faire la 4e/5e dose ? ». La question n’est pas rhétorique pour les généralistes, elle mérite une réponse qui relève de l’EBM. Même si la qualité des études varie, les vaccins semblent être sûrs et efficaces pour prévenir les formes graves, les hospitalisations et les décès contre tous les variants. Les réponses aux questions de la dose de rappel, de la baisse de l’immunité, de la durée de l’immunité persistent4. Certaines études ont même montré que l’immunité hybride avait de meilleurs résultats sur les formes graves que l’immunité avec deux doses de vaccins5. D’autres questions émergent, comme celle de l’impact de la vaccination sur le Covid long et les malaises post-effort qui sont décrits dans le recommandé pour exercer de ce numéro 1906. Alors « il faut la faire la 4e/5e dose ? ». La question pour les patients est-elle purement rhétorique ? Certains attendent une réponse, car leur décision ne repose pas uniquement sur des données statistiques. Leur raisonnement (comme le nôtre) est aussi émotionnel et peut reposer sur des erreurs issues de procédures mentales subconscientes de traitement de l’information, alias les biais cognitifs. Dans ce numéro, vous allez découvrir de nombreux biais et pouvoir répondre aux questions des patients. Par exemple, le biais de naturalité fait que le patient pense le virus peu dangereux et qu’il préfère contracter la maladie plutôt que de se faire vacciner7. Imaginons maintenant un patient qui voudrait privilégier « l’immunité naturelle » ; qui aurait lu qu’elle fait mieux que la vaccination et un médecin qui aurait lu la brève d’exercer 189 écrite à partir de l’article du New England Journal of Medicine et l’article sur les biais cognitifs. Le médecin pourrait en douceur faire vaciller la certitude du patient et comparer un pari audacieux de contracter une Covid-19 et celui de se faire vacciner qui semble plus raisonnable. Comment va-t-il lui expliquer tout cela ? Il peut employer les trois dimensions de l’art de convaincre. La première est le logos : la logique du discours, les arguments développés dans l’article de Fiolet et al.4. La deuxième est l’éthos : la crédibilité de celui qui délivre le message, et vous connaissez la relation de confiance des usagers de la santé avec leur médecin généraliste. La troisième est le pathos : l’argumentation par l’affect, et là encore le médecin généraliste sait créer un lien émotionnel. Le tout est de la rhétorique et elle ne s’oppose en rien au modèle de décision partagée mais permet de nourrir son assertivité professionnelle.