{"title":"Le -s d'Algéries","authors":"C. Brun","doi":"10.1353/exp.2022.0024","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Résumé:Dans « Procès d'une sous-culture dominante » (1984), Mostefa Lacheraf dénonçait les cas selon lui les plus notoires d'une littérature de dupes « ignorant leur propre vérité nationale », et emblématiques d'un processus redoutable d'acculturation-assimilation. Au moment d'évoquer « la jeune littérature algérienne », c'est Leïla Sebbar qui devient sa cible, au motif qu'elle incarnerait « l'acquiescement à un sort définitif de paria qui doit être celui du Maghrébin en exil », « sur un fond de sombre délectation d'apatrides, nonobstant [une] identité nationale proclamée à haute voix ». Le procès, expéditif, est politique. Sebbar est jugée coupable de ne s'identifier nationalement à l'Algérie qu'à haute voix, quand son œuvre, complaisamment apatride, se délecterait de la condition exilique.Et de fait, Mes Algéries en France (2004), Journal de mes Algéries (2005) et ses suites (jusqu'en 2008) et Voyage en Algéries autour de ma chambre (2008) outragent ostensiblement l'invariabilité codifiée des noms propres géographiques, qui n'ont couramment qu'un nombre, pour leur opposer un pluriel irrégulier. C'est à examiner les implications de ce coup de force linguistique et politique que cet article s'attelle. Que dit cette remise en cause de la notoriété supposée du propre ? De quels déplacements, de quels croisements du propre et du commun, du dénombrable et de l'indénombrable, du personnel et du collectif, d'hier et d'aujourd'hui, ce pluriel remarquable, Algéries, rend-il compte ? De quels partages et de quelles solitudes ? Dans quelle mesure, pour finir, peut-on entendre le singulier paradoxal de « la littérature du Divers » dans le -s de ces Algéries ?Abstract:In \"Procès d'une sous-culture dominante\" (1984), Mostefa Lacheraf denounced what he considered to be the most notorious cases of a literature written by dupes, guilty of \"ignoring their own national truth\" and emblematic of a dreadful process of acculturation-assimilation. When it comes to what he calls \"la jeune littérature algérienne\", Leïla Sebbar becomes his target, on the grounds that she embodies \"acquiescence to a definitive fate of pariah that must be that of the Maghrebi in exile\", \"against a backdrop of dark delight in statelessness, notwithstanding [a] loudly proclaimed national identity\". The trial – expedited – is a political one. Sebbar is deemed guilty of identifying nationally with Algeria in voice only, while her body of work remains complacently stateless, reveling in the exilic condition.And indeed, Mes Algéries en France (2004), Journal de mes Algéries (2005) and its sequels (until 2008), and Voyage en Algéries autour de ma chambre (2008) ostensibly violate the codified invariability of geographical proper nouns, which commonly exist as singular entities, in order to oppose them with an irregular plural. This article examines the implications of this linguistic and political coup de force. What does this challenge to the supposed notoriety of the proper noun say? What displacements, what intersections of the proper and the common, the countable and the uncountable, the personal and the collective, the past and the present, does this remarkable plural – Algerias – reflect? What divisions and what solitudes does it take into account? And, ultimately, to what extent can we hear the paradoxical singularity of \"la littérature du Divers\" in the -s of these Algerias?","PeriodicalId":41074,"journal":{"name":"Expressions maghrebines","volume":"21 1","pages":"115 - 133"},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2022-12-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Expressions maghrebines","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1353/exp.2022.0024","RegionNum":3,"RegionCategory":"文学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"0","JCRName":"LITERATURE, ROMANCE","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Résumé:Dans « Procès d'une sous-culture dominante » (1984), Mostefa Lacheraf dénonçait les cas selon lui les plus notoires d'une littérature de dupes « ignorant leur propre vérité nationale », et emblématiques d'un processus redoutable d'acculturation-assimilation. Au moment d'évoquer « la jeune littérature algérienne », c'est Leïla Sebbar qui devient sa cible, au motif qu'elle incarnerait « l'acquiescement à un sort définitif de paria qui doit être celui du Maghrébin en exil », « sur un fond de sombre délectation d'apatrides, nonobstant [une] identité nationale proclamée à haute voix ». Le procès, expéditif, est politique. Sebbar est jugée coupable de ne s'identifier nationalement à l'Algérie qu'à haute voix, quand son œuvre, complaisamment apatride, se délecterait de la condition exilique.Et de fait, Mes Algéries en France (2004), Journal de mes Algéries (2005) et ses suites (jusqu'en 2008) et Voyage en Algéries autour de ma chambre (2008) outragent ostensiblement l'invariabilité codifiée des noms propres géographiques, qui n'ont couramment qu'un nombre, pour leur opposer un pluriel irrégulier. C'est à examiner les implications de ce coup de force linguistique et politique que cet article s'attelle. Que dit cette remise en cause de la notoriété supposée du propre ? De quels déplacements, de quels croisements du propre et du commun, du dénombrable et de l'indénombrable, du personnel et du collectif, d'hier et d'aujourd'hui, ce pluriel remarquable, Algéries, rend-il compte ? De quels partages et de quelles solitudes ? Dans quelle mesure, pour finir, peut-on entendre le singulier paradoxal de « la littérature du Divers » dans le -s de ces Algéries ?Abstract:In "Procès d'une sous-culture dominante" (1984), Mostefa Lacheraf denounced what he considered to be the most notorious cases of a literature written by dupes, guilty of "ignoring their own national truth" and emblematic of a dreadful process of acculturation-assimilation. When it comes to what he calls "la jeune littérature algérienne", Leïla Sebbar becomes his target, on the grounds that she embodies "acquiescence to a definitive fate of pariah that must be that of the Maghrebi in exile", "against a backdrop of dark delight in statelessness, notwithstanding [a] loudly proclaimed national identity". The trial – expedited – is a political one. Sebbar is deemed guilty of identifying nationally with Algeria in voice only, while her body of work remains complacently stateless, reveling in the exilic condition.And indeed, Mes Algéries en France (2004), Journal de mes Algéries (2005) and its sequels (until 2008), and Voyage en Algéries autour de ma chambre (2008) ostensibly violate the codified invariability of geographical proper nouns, which commonly exist as singular entities, in order to oppose them with an irregular plural. This article examines the implications of this linguistic and political coup de force. What does this challenge to the supposed notoriety of the proper noun say? What displacements, what intersections of the proper and the common, the countable and the uncountable, the personal and the collective, the past and the present, does this remarkable plural – Algerias – reflect? What divisions and what solitudes does it take into account? And, ultimately, to what extent can we hear the paradoxical singularity of "la littérature du Divers" in the -s of these Algerias?
在《统治亚文化的审判》(1984年)中,莫斯特法·拉切拉夫谴责了他认为最臭名昭著的“无视自己民族真相”的愚弄文学案例,这些案例象征着可怕的文化同化过程。在谈到“年轻的阿尔及利亚文学”时,莱拉·塞巴尔(Leïla Sebbar)成为了他的目标,理由是她将体现“对被遗弃者的最终命运的默许,这必须是流亡的马格里布人的命运”,“在无国籍人的黑暗喜悦的背景下,尽管大声宣布了民族身份”。快速审判是政治性的。塞巴尔被判有罪,因为只有在他的作品完全无国籍的情况下,他才大声表明自己对阿尔及利亚的民族认同,并对流亡状态感到高兴。事实上,Mes Algéries en France(2004年)、《Journal de Mes Algéries》(2005年)及其续集(直到2008年)和《Voyage en Algíries tour de ma chambre》(2008年),表面上冒犯了地名的编码不变性,因为地名通常只有一个数字,而不是不规则复数。本文将探讨这场语言和政治政变的影响。这种对自己所谓臭名昭著的质疑说明了什么?昨天和今天,这个非凡的阿尔及利亚复数反映了什么样的运动,什么样的自身与普通、可数与不可数、个人与集体的交叉?什么是分享和孤独?最后,我们能在多大程度上听到这些阿尔及利亚人的“多样性文学”的独特悖论?摘要:在《占主导地位的亚文化审判》(1984年)中,Mostefa Lacheraf谴责了他认为是傻瓜写的文学中最臭名昭著的案例,“忽视自己的国家真相”的罪行,以及可怕的文化同化过程的象征。当谈到他所说的“阿尔及利亚青年文学”时,莱拉·塞巴尔成为了他的目标,因为她体现了“默许被流放的马格里布人的明确的贱民命运”,“反对无国籍的黑暗喜悦,没有人大声宣布国家身份”。审判-加速-是一个政治事件。塞巴尔被判有罪,因为她在全国范围内只以声音认同阿尔及利亚,而她的工作仍然完全无国籍,表现在流亡状态。事实上,Mes Algéries en France(2004年)、《Journal de Mes Algéries》(2005年)及其续集(直到2008年)和《Voyage en Algíries autour de ma chambre》(2008年)明显违反了地理专有名词的法典化不变性,这些名词通常作为单一实体存在,以不规则复数反对它们。本文探讨了这场语言和政治政变的影响。这对所谓的“正确名词”的名声有什么挑战?什么样的位移,正确与共同、可计数与不可计数、个人与集体、过去与现在的交叉点,这一显著的复数——阿尔及利亚——反映了什么?什么是分裂和孤独?最后,我们能听到阿尔及利亚“各种文学”的悖论奇点吗?