{"title":"Les échos de la poésie arménienne dans l’œuvre d’Ahmatova : création et traduction","authors":"G. Armaganian","doi":"10.35562/modernites-russes.553","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"L’objectif de l’article est de faire connaître aux chercheurs français les études des spécialistes arméniens qui révèlent une étonnante parenté et des échos entre le Requiem d’Ahmatova et ses traductions de l’arménien faites à partir des versions mot à mot (подстрочники). Nous nous attacherons à apporter un éclairage nouveau sur ces traductions. Nous mettrons incidemment en parallèle Mandel’štam et Ahmatova, car l’attachement de cette dernière à l’Arménie est né de son amitié avec le poète ; la représentation akhmatovienne de l’Arménie s’est constituée sous l’influence des Poèmes arméniens et du Voyage en Arménie de Mandel’štam. Après son exclusion de l’Union des écrivains, Anna Ahmatova, comme toute une pléiade de grands écrivains et poètes, survit grâce à ses traductions – un travail qu’elle avouait avoir « toujours détesté et qui l’empêchait d’écrire » [Benech, 2013 : 22]. Entre 1950 et 1960, Ahmatova a traduit plus de cent cinquante poètes de trente langues, la plupart du temps d’après des versions mot à mot. La paternité de ces traductions est difficile à déterminer, et l’on sait que souvent les co-auteurs d’Ahmatova étaient ses amis, comme Anatolij Najman, ou encore son fils, Lev Gumilёv. C’est pour cette raison, entre autres, qu’elle ne voulait pas que ses traductions fussent publiées avec ses vers originaux. Ahmatova a traduit à partir de l’arménien des poètes du xxe siècle : Avetik Isaakjan, Vaan Terjan, Egiše Čarenc, Ašot Graši et Maro Markarjan. Toutes ces traductions sont parues tardivement : en 1991 à Eghvard et en 2005 à Moscou. Si les traductions de l’arménien, proportionnellement aux autres traductions d’Ahmatova, constituent un corpus assez restreint de quarante-huit œuvres environ, dès les années 1930, l’Arménie occupe une place d’honneur dans sa propre poétique. C’est ainsi que son poème Pastiche de l’arménien s’inspire littéralement d’une œuvre d’Ovanes Tumanjan, et exprime la souffrance des mères dont les enfants ont été les victimes de la terreur stalinienne. Si le travail avec la poésie arménienne peut être perçu comme une identification personnelle (celle d’une épouse et mère pendant les répressions staliniennes) au destin d’un peuple victime de massacres et de persécutions, il éclaire aussi l’œuvre personnelle d’Ahmatova. Le Poème sans héros et le Requiem, dont l’écriture est contemporaine aux traductions akhmatoviennes de l’arménien, ont été stimulés et nourris par ce travail : le « mot étranger » et le pastiche ont participé à la polyphonie et à l’universalité de sa perception poétique.","PeriodicalId":34857,"journal":{"name":"Modernites Russes","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2022-07-15","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Modernites Russes","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.35562/modernites-russes.553","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
L’objectif de l’article est de faire connaître aux chercheurs français les études des spécialistes arméniens qui révèlent une étonnante parenté et des échos entre le Requiem d’Ahmatova et ses traductions de l’arménien faites à partir des versions mot à mot (подстрочники). Nous nous attacherons à apporter un éclairage nouveau sur ces traductions. Nous mettrons incidemment en parallèle Mandel’štam et Ahmatova, car l’attachement de cette dernière à l’Arménie est né de son amitié avec le poète ; la représentation akhmatovienne de l’Arménie s’est constituée sous l’influence des Poèmes arméniens et du Voyage en Arménie de Mandel’štam. Après son exclusion de l’Union des écrivains, Anna Ahmatova, comme toute une pléiade de grands écrivains et poètes, survit grâce à ses traductions – un travail qu’elle avouait avoir « toujours détesté et qui l’empêchait d’écrire » [Benech, 2013 : 22]. Entre 1950 et 1960, Ahmatova a traduit plus de cent cinquante poètes de trente langues, la plupart du temps d’après des versions mot à mot. La paternité de ces traductions est difficile à déterminer, et l’on sait que souvent les co-auteurs d’Ahmatova étaient ses amis, comme Anatolij Najman, ou encore son fils, Lev Gumilёv. C’est pour cette raison, entre autres, qu’elle ne voulait pas que ses traductions fussent publiées avec ses vers originaux. Ahmatova a traduit à partir de l’arménien des poètes du xxe siècle : Avetik Isaakjan, Vaan Terjan, Egiše Čarenc, Ašot Graši et Maro Markarjan. Toutes ces traductions sont parues tardivement : en 1991 à Eghvard et en 2005 à Moscou. Si les traductions de l’arménien, proportionnellement aux autres traductions d’Ahmatova, constituent un corpus assez restreint de quarante-huit œuvres environ, dès les années 1930, l’Arménie occupe une place d’honneur dans sa propre poétique. C’est ainsi que son poème Pastiche de l’arménien s’inspire littéralement d’une œuvre d’Ovanes Tumanjan, et exprime la souffrance des mères dont les enfants ont été les victimes de la terreur stalinienne. Si le travail avec la poésie arménienne peut être perçu comme une identification personnelle (celle d’une épouse et mère pendant les répressions staliniennes) au destin d’un peuple victime de massacres et de persécutions, il éclaire aussi l’œuvre personnelle d’Ahmatova. Le Poème sans héros et le Requiem, dont l’écriture est contemporaine aux traductions akhmatoviennes de l’arménien, ont été stimulés et nourris par ce travail : le « mot étranger » et le pastiche ont participé à la polyphonie et à l’universalité de sa perception poétique.