Lauriane Charuel , Romain Sicot , Bruno Megarbane , Leila Chaouachi , Anne Batisse
{"title":"Insuffisance hépatique sévère : un toxique peut en cacher un autre","authors":"Lauriane Charuel , Romain Sicot , Bruno Megarbane , Leila Chaouachi , Anne Batisse","doi":"10.1016/j.therap.2024.10.021","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Introduction</h3><div>La mauvaise utilisation du paracétamol est la 1<sup>re</sup> cause de greffe hépatique d’origine médicamenteuse en France. Les soignants craignent l’hépatite fulminante et instaurent l’antidote devant une suspicion de surdose. Le CEIP-A de Paris a été sollicité au sujet d’une intoxication au paracétamol chez un patient de 26 ans, hospitalisé pour une insuffisance hépatique aiguë sévère. Ce cas est peu documenté : usager habituel de cocaïne et de cannabis, il aurait consommé la veille 1<!--> <!-->g de paracétamol, de la cocaïne, 20 comprimés inconnus (don) et du cannabis. Devant la dégradation du bilan hépatique, un traitement par N-acétylcystéine (NAC) est débuté. La paracétamolémie (initialement à 102<!--> <!-->mg/L) diminue et se négative en 48<!--> <!-->h ; la NAC est arrêtée. Le <em>screening</em> toxicologique urinaire est positif à la cocaïne et au tétrahydrocannabinol (THC). L’équipe de liaison addictologique ne retrouve pas clairement de surdose au paracétamol et questionne l’addictovigilance : le paracétamol est-il retrouvé comme produit de coupe de la cocaïne ? Est-il bien absorbé par voie nasale ?</div></div><div><h3>Matériel et méthodes</h3><div>Le CEIP-A rappelle la toxicité hépatique rare mais existante de la cocaïne à travers une extraction des cas de la base nationale d’addictovigilance et une recherche bibliographique. Les données SINTES et l’absorption du paracétamol par voie nasale sont évaluées.</div></div><div><h3>Résultat</h3><div>Entre 2021 et 2023, 11 cas d’addictovigilance rapportent la survenue d’une hépatite toxique suite à la consommation de cocaïne, seule (5/11) ou en association (6/11). Cocaïne/éthanol/paracétamol (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->3), cocaïne/éthanol/paracétamol/MDMA (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->1), cocaïne/paracétamol (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->1) et cocaïne/éthanol (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->1) sont autant de polyconsommations suspectées. La toxicité hépatique de la cocaïne est consécutive à la production d’espèces réactives de l’oxygène, plus fréquente chez les usagers exposés à des inducteurs enzymatiques. L’association éthanol/cocaïne favorise la survenue d’hépatite par la production de cocaéthylène. Par ailleurs, d’après les données SINTES 2021, 11 % des échantillons collectés de cocaïne sont coupées avec du paracétamol, produit de coupe minoritaire (lévamisole [53 %] et phénacétine [38 %]). Enfin, les données de littérature mentionnent un mésusage par voie nasale de paracétamol sans information sur son absorption.</div></div><div><h3>Conclusion</h3><div>La prise en charge de ce patient priorise, à raison, la toxicité hépatique au paracétamol. Cependant, les soignants ne mentionnent pas l’imputabilité possible de la cocaïne d’autant plus en polyconsommation. Les risques liés à la production du cocaéthylène sont connus et diffusés vers les usagers. Ces derniers doivent également être informés des dangers de l’association paracétamol/cocaïne ; les cliniciens doivent envisager ce diagnostic et réaliser des analyses toxicologiques pour prévenir une récidive.</div></div>","PeriodicalId":23147,"journal":{"name":"Therapie","volume":"79 6","pages":"Page 748"},"PeriodicalIF":2.2000,"publicationDate":"2024-11-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Therapie","FirstCategoryId":"3","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0040595724001379","RegionNum":4,"RegionCategory":"医学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q3","JCRName":"PHARMACOLOGY & PHARMACY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Introduction
La mauvaise utilisation du paracétamol est la 1re cause de greffe hépatique d’origine médicamenteuse en France. Les soignants craignent l’hépatite fulminante et instaurent l’antidote devant une suspicion de surdose. Le CEIP-A de Paris a été sollicité au sujet d’une intoxication au paracétamol chez un patient de 26 ans, hospitalisé pour une insuffisance hépatique aiguë sévère. Ce cas est peu documenté : usager habituel de cocaïne et de cannabis, il aurait consommé la veille 1 g de paracétamol, de la cocaïne, 20 comprimés inconnus (don) et du cannabis. Devant la dégradation du bilan hépatique, un traitement par N-acétylcystéine (NAC) est débuté. La paracétamolémie (initialement à 102 mg/L) diminue et se négative en 48 h ; la NAC est arrêtée. Le screening toxicologique urinaire est positif à la cocaïne et au tétrahydrocannabinol (THC). L’équipe de liaison addictologique ne retrouve pas clairement de surdose au paracétamol et questionne l’addictovigilance : le paracétamol est-il retrouvé comme produit de coupe de la cocaïne ? Est-il bien absorbé par voie nasale ?
Matériel et méthodes
Le CEIP-A rappelle la toxicité hépatique rare mais existante de la cocaïne à travers une extraction des cas de la base nationale d’addictovigilance et une recherche bibliographique. Les données SINTES et l’absorption du paracétamol par voie nasale sont évaluées.
Résultat
Entre 2021 et 2023, 11 cas d’addictovigilance rapportent la survenue d’une hépatite toxique suite à la consommation de cocaïne, seule (5/11) ou en association (6/11). Cocaïne/éthanol/paracétamol (n = 3), cocaïne/éthanol/paracétamol/MDMA (n = 1), cocaïne/paracétamol (n = 1) et cocaïne/éthanol (n = 1) sont autant de polyconsommations suspectées. La toxicité hépatique de la cocaïne est consécutive à la production d’espèces réactives de l’oxygène, plus fréquente chez les usagers exposés à des inducteurs enzymatiques. L’association éthanol/cocaïne favorise la survenue d’hépatite par la production de cocaéthylène. Par ailleurs, d’après les données SINTES 2021, 11 % des échantillons collectés de cocaïne sont coupées avec du paracétamol, produit de coupe minoritaire (lévamisole [53 %] et phénacétine [38 %]). Enfin, les données de littérature mentionnent un mésusage par voie nasale de paracétamol sans information sur son absorption.
Conclusion
La prise en charge de ce patient priorise, à raison, la toxicité hépatique au paracétamol. Cependant, les soignants ne mentionnent pas l’imputabilité possible de la cocaïne d’autant plus en polyconsommation. Les risques liés à la production du cocaéthylène sont connus et diffusés vers les usagers. Ces derniers doivent également être informés des dangers de l’association paracétamol/cocaïne ; les cliniciens doivent envisager ce diagnostic et réaliser des analyses toxicologiques pour prévenir une récidive.
期刊介绍:
Thérapie is a peer-reviewed journal devoted to Clinical Pharmacology, Therapeutics, Pharmacokinetics, Pharmacovigilance, Addictovigilance, Social Pharmacology, Pharmacoepidemiology, Pharmacoeconomics and Evidence-Based-Medicine. Thérapie publishes in French or in English original articles, general reviews, letters to the editor reporting original findings, correspondence relating to articles or letters published in the Journal, short articles, editorials on up-to-date topics, Pharmacovigilance or Addictovigilance reports that follow the French "guidelines" concerning good practice in pharmacovigilance publications. The journal also publishes thematic issues on topical subject.
The journal is indexed in the main international data bases and notably in: Biosis Previews/Biological Abstracts, Embase/Excerpta Medica, Medline/Index Medicus, Science Citation Index.