{"title":"Entre fugae exactes et diatoniques : trois nuances de l’écriture imitative dans l’œuvre de Josquin Desprez (v. 1450-1521)","authors":"Guillaume Bunel","doi":"10.3917/musur.231.0007","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"S’appuyant sur les écrits de théorie musicale des années 1540 et 1550 notamment, la littérature musicologique récente tend à distinguer deux types d’écriture imitative ( fuga ) pratiqués durant la Renaissance. D’une part, les fugae « exactes », dans lesquelles la partie de comes reproduit à l’identique les intervalles chantés par la partie de dux ; d’autre part, les fugae « diatoniques », dans lesquelles la partie de comes reproduit les intervalles chantés par la partie de dux seulement dans la mesure où cette imitation préserve la structure de l’échelle d’origine. L’étude systématique des fugae attribuées à Josquin Desprez (v. 1450-1521) révèle que cette bipartition ne permet toutefois pas de décrire l’ensemble des situations rencontrées. Certaines fugae requièrent une réalisation « mixte », associant des passages en imitation exacte à des passages en imitation diatonique ; d’autres se prêtent à une pluralité de réalisations distinctes. D’autres, enfin, ne semblent pouvoir être chantées selon aucune des techniques envisagées, toutes les réalisations soulevant d’inextricables difficultés contrapuntiques. À une époque légèrement antérieure à la fixation théorique de la distinction entre fuga exacte et diatonique, la variabilité des notations relevées dans les sources musicales, la complexité, la richesse des formes et des dispositifs employés par Josquin révèlent une approche compositionnelle souple, loin des cadres binaires suggérés par la théorie ultérieure. Par une cartographie des principales difficultés posées par la réalisation des fugae attribuées à Josquin, cet article vise à montrer que les techniques d’écriture imitative constituent un terrain fécond d’expérimentation pour le compositeur. D’une importance fondamentale dans l’œuvre de Josquin, et plus largement dans les polyphonies de la Renaissance, elles soulèvent d’importantes questions quant au statut des sources musicales et théoriques, ainsi que des techniques de réalisation sonore des fugae autour de 1500.","PeriodicalId":486841,"journal":{"name":"Musurgia","volume":"55 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-09-19","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Musurgia","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.3917/musur.231.0007","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
S’appuyant sur les écrits de théorie musicale des années 1540 et 1550 notamment, la littérature musicologique récente tend à distinguer deux types d’écriture imitative ( fuga ) pratiqués durant la Renaissance. D’une part, les fugae « exactes », dans lesquelles la partie de comes reproduit à l’identique les intervalles chantés par la partie de dux ; d’autre part, les fugae « diatoniques », dans lesquelles la partie de comes reproduit les intervalles chantés par la partie de dux seulement dans la mesure où cette imitation préserve la structure de l’échelle d’origine. L’étude systématique des fugae attribuées à Josquin Desprez (v. 1450-1521) révèle que cette bipartition ne permet toutefois pas de décrire l’ensemble des situations rencontrées. Certaines fugae requièrent une réalisation « mixte », associant des passages en imitation exacte à des passages en imitation diatonique ; d’autres se prêtent à une pluralité de réalisations distinctes. D’autres, enfin, ne semblent pouvoir être chantées selon aucune des techniques envisagées, toutes les réalisations soulevant d’inextricables difficultés contrapuntiques. À une époque légèrement antérieure à la fixation théorique de la distinction entre fuga exacte et diatonique, la variabilité des notations relevées dans les sources musicales, la complexité, la richesse des formes et des dispositifs employés par Josquin révèlent une approche compositionnelle souple, loin des cadres binaires suggérés par la théorie ultérieure. Par une cartographie des principales difficultés posées par la réalisation des fugae attribuées à Josquin, cet article vise à montrer que les techniques d’écriture imitative constituent un terrain fécond d’expérimentation pour le compositeur. D’une importance fondamentale dans l’œuvre de Josquin, et plus largement dans les polyphonies de la Renaissance, elles soulèvent d’importantes questions quant au statut des sources musicales et théoriques, ainsi que des techniques de réalisation sonore des fugae autour de 1500.