{"title":"Vous, les ancêtres by Sandrine Bessora (review)","authors":"","doi":"10.1353/wfs.2023.a909498","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: Vous, les ancêtres by Sandrine Bessora A. Stevellia Moussavou Nyama Bessora, Sandrine. Vous, les ancêtres. JCLattès, 2023. Pp. 336. ISBN 978-2-7096-7069-2. 20,50€ (papier). 14,99€ (eBook). L'écrivaine suisso-gabonaise, Sandrine Bessora, nous a gratifiés d'un nouveau roman au début de l'année 2023. Composé de cinq chapitres, Vous les ancêtres est le troisième volet d'une tétralogie commencée avec Zoonomia (tome V) et Citizen Narcisse (tome III). S'il fait suite à ces deux tomes publiés en 2018, il est néanmoins chronologiquement antérieur dans le cycle, puisque la narratrice Jane est à l'origine de la « dynastie des boiteux ». L'histoire commence à la fin du 17ème siècle en Cornouailles, dans une Europe en guerre. L'incipit donne d'emblée à ce roman les allures d'un conte fantastique. D'ailleurs, le titre du premier chapitre « accouche-moi » fait penser à Kirikou et la sorcière (1998) de Michel Ocelot. La narration à la première personne du singulier est prise en charge par Jane, narratrice autodiégétique, qui nous raconte les autres personnages (une quinzaine environ). Elle se charge aussi du récit des événements précédant sa naissance alors que sa mère, à peine adolescente, meurt après lui avoir donné la vie au bord d'un ruisseau. Comme Moise, Jane est placée dans un berceau végétal qui longe le fleuve. Elle a seulement six jours quand elle est trouvée, par Abigaïl, son adoptante, dérivant dans son couffin d'où émane une odeur « de sang, de sueur, et de liquide amniotique » (21). Le seul acte d'amour de la génitrice, [End Page 170] devenue mère, malgré elle, a consisté à se réincarner dans la fleur de Narcisse qui « luit » chaque fois que Jane traverse des épreuves. Bessora ne laisse rien au hasard ; ses descriptions sont si détaillées qu'elles en deviennent hyperboliques. L'accouchement est glauque − on a l'impression de sentir la puanteur « du lait caillé » et de partager la douleur de l'adolescente accouchant seule alors que son corps n'a pas encore fini de se développer. Jane est une anti-héroïne avec un profil assez intrigant. Boiteuse et analphabète, manquant d'être condamnée à mort par un tribunal, elle est, selon ses mots, « sauvée par un hasard manigancé » (294) et envoyée en esclavage aux États-Unis. Après sept années, elle rachète sa liberté et devient à son tour esclavagiste. Convaincue d'être promise à une descendance puissante par le livre de « Michée » dans la Bible, elle épouse, de force, son esclave et lui fait quatre filles. L'autrice propose une peinture particulièrement effrayante de la maternité. Un accent est mis sur l'aventure périlleuse de la maternité et les douleurs de l'enfantement qui s'apparente à « une torture ». Les bébés sont des êtres maléfiques dont la naissance annonce la mort de la mère, car en sortant le bébé « broie les os » (11), « écrabouille les boyaux » (320), et « broie les reins » de la future maman (309). De cette écriture de la maternité, se dévoile une espèce de puissance du féminin, et c'est sans doute ce qui explique la représentation de personnages masculins sans réels impacts ; mais c'est aussi l'hymne d'une sororité entre Jane et Sarah. Si la narration des quatre premiers chapitres suit un ordre chronologique, le dernier, « Sinon vous revenez », superpose plusieurs récits avec des cadres spatiotemporels différents, oscillant entre la plantation de Schwartz, la ferme des Banneky, Paris et le Gabon. On y retrouve, un siècle plus tard, Johann (de Zoonomia) qui se rêve grand zoologue pour effacer sa négritude et son ascendance servile. Nous sommes entrainés dans de nombreuses ramifications généalogiques. L'histoire de Jane est calquée sur celle de Molly Bannaky, personnage historique ayant aussi inspiré à Alice McGill un roman de jeunesse en 1999. De ce personnage historique, sans attache, Bessora en fait la fondatrice de...","PeriodicalId":391338,"journal":{"name":"Women in French Studies","volume":"23 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Women in French Studies","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1353/wfs.2023.a909498","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Reviewed by: Vous, les ancêtres by Sandrine Bessora A. Stevellia Moussavou Nyama Bessora, Sandrine. Vous, les ancêtres. JCLattès, 2023. Pp. 336. ISBN 978-2-7096-7069-2. 20,50€ (papier). 14,99€ (eBook). L'écrivaine suisso-gabonaise, Sandrine Bessora, nous a gratifiés d'un nouveau roman au début de l'année 2023. Composé de cinq chapitres, Vous les ancêtres est le troisième volet d'une tétralogie commencée avec Zoonomia (tome V) et Citizen Narcisse (tome III). S'il fait suite à ces deux tomes publiés en 2018, il est néanmoins chronologiquement antérieur dans le cycle, puisque la narratrice Jane est à l'origine de la « dynastie des boiteux ». L'histoire commence à la fin du 17ème siècle en Cornouailles, dans une Europe en guerre. L'incipit donne d'emblée à ce roman les allures d'un conte fantastique. D'ailleurs, le titre du premier chapitre « accouche-moi » fait penser à Kirikou et la sorcière (1998) de Michel Ocelot. La narration à la première personne du singulier est prise en charge par Jane, narratrice autodiégétique, qui nous raconte les autres personnages (une quinzaine environ). Elle se charge aussi du récit des événements précédant sa naissance alors que sa mère, à peine adolescente, meurt après lui avoir donné la vie au bord d'un ruisseau. Comme Moise, Jane est placée dans un berceau végétal qui longe le fleuve. Elle a seulement six jours quand elle est trouvée, par Abigaïl, son adoptante, dérivant dans son couffin d'où émane une odeur « de sang, de sueur, et de liquide amniotique » (21). Le seul acte d'amour de la génitrice, [End Page 170] devenue mère, malgré elle, a consisté à se réincarner dans la fleur de Narcisse qui « luit » chaque fois que Jane traverse des épreuves. Bessora ne laisse rien au hasard ; ses descriptions sont si détaillées qu'elles en deviennent hyperboliques. L'accouchement est glauque − on a l'impression de sentir la puanteur « du lait caillé » et de partager la douleur de l'adolescente accouchant seule alors que son corps n'a pas encore fini de se développer. Jane est une anti-héroïne avec un profil assez intrigant. Boiteuse et analphabète, manquant d'être condamnée à mort par un tribunal, elle est, selon ses mots, « sauvée par un hasard manigancé » (294) et envoyée en esclavage aux États-Unis. Après sept années, elle rachète sa liberté et devient à son tour esclavagiste. Convaincue d'être promise à une descendance puissante par le livre de « Michée » dans la Bible, elle épouse, de force, son esclave et lui fait quatre filles. L'autrice propose une peinture particulièrement effrayante de la maternité. Un accent est mis sur l'aventure périlleuse de la maternité et les douleurs de l'enfantement qui s'apparente à « une torture ». Les bébés sont des êtres maléfiques dont la naissance annonce la mort de la mère, car en sortant le bébé « broie les os » (11), « écrabouille les boyaux » (320), et « broie les reins » de la future maman (309). De cette écriture de la maternité, se dévoile une espèce de puissance du féminin, et c'est sans doute ce qui explique la représentation de personnages masculins sans réels impacts ; mais c'est aussi l'hymne d'une sororité entre Jane et Sarah. Si la narration des quatre premiers chapitres suit un ordre chronologique, le dernier, « Sinon vous revenez », superpose plusieurs récits avec des cadres spatiotemporels différents, oscillant entre la plantation de Schwartz, la ferme des Banneky, Paris et le Gabon. On y retrouve, un siècle plus tard, Johann (de Zoonomia) qui se rêve grand zoologue pour effacer sa négritude et son ascendance servile. Nous sommes entrainés dans de nombreuses ramifications généalogiques. L'histoire de Jane est calquée sur celle de Molly Bannaky, personnage historique ayant aussi inspiré à Alice McGill un roman de jeunesse en 1999. De ce personnage historique, sans attache, Bessora en fait la fondatrice de...