{"title":"Paul Souriau à l’école d’Émile Gallé : l’ornement entre rêverie et utilité","authors":"R. Froissart","doi":"10.3917/nre.023.0021","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Theoricien de l’art, Paul Souriau (1852-1926) a ete l’une des figures eminentes des milieux intellectuels nanceens du tournant du xixe siecle. Dans ses ouvrages majeurs – L’Esthetique du mouvement (1889), La Suggestion (1893), L’Imagination de l’artiste (1901), La Beaute rationnelle (1904) –, il developpe une conception qui doit autant aux esthetiques positivistes et a la « physiologie de l’esprit » de Bernheim qu’a l’œuvre de Galle, ses deux illustres concitoyens. Souriau structure sa reflexion autour de la formation des images a partir des composantes simples que sont l’arabesque et la tâche, convaincu qu’elles traduisent la force vitale presente dans le mouvement et dans la lumiere. A l’origine d’une « beaute d’expression », ces elements ne sont pas un jeu vain de formes, puisqu’ils repondent a une « finalite physiologique et psychologique ». Mais c’est pour avoir rendu a l’utilite un role central que Souriau a ete considere comme le pere d’une « esthetique fonctionnelle » fondee sur le rejet de l’ornement. Cette lecture ne resiste pas a l’examen de La Beaute rationnelle, ouvrage qui doit etre compris comme partie d’une esthetique qui reste tres fortement attachee aux ideaux morrisiens de valorisation de l’artisanat et a l’ornement rationaliste et organiciste defendu par Galle. S’il y a une forme de beaute – la « beaute mecanique » – produite par la parfaite convenance d’une forme a sa fin, celle-ci deborde largement la stricte utilite, et contribue, avec la « beaute d’expression », a enrichir notre quotidien de stimulations visuelles. Le renversement de la hierarchie traditionnelle des arts – « beaux-arts » vs « arts appliques » – s’opere donc a la conjonction de « beaute d’expression » et « beaute mecanique » et comporte l’idee d’une necessaire reception socialisee des arts.Reverie esthetique et utilite, loin de former un couple antinomique, deviennent alors les deux termes d’un nouveau rapport a l’objet d’art, integre a l’univers reenchante des perceptions, dans sa dimension physiologique, materielle et technique.","PeriodicalId":424414,"journal":{"name":"Nouvelle revue d’esthétique","volume":"30 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2019-06-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Nouvelle revue d’esthétique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.3917/nre.023.0021","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Theoricien de l’art, Paul Souriau (1852-1926) a ete l’une des figures eminentes des milieux intellectuels nanceens du tournant du xixe siecle. Dans ses ouvrages majeurs – L’Esthetique du mouvement (1889), La Suggestion (1893), L’Imagination de l’artiste (1901), La Beaute rationnelle (1904) –, il developpe une conception qui doit autant aux esthetiques positivistes et a la « physiologie de l’esprit » de Bernheim qu’a l’œuvre de Galle, ses deux illustres concitoyens. Souriau structure sa reflexion autour de la formation des images a partir des composantes simples que sont l’arabesque et la tâche, convaincu qu’elles traduisent la force vitale presente dans le mouvement et dans la lumiere. A l’origine d’une « beaute d’expression », ces elements ne sont pas un jeu vain de formes, puisqu’ils repondent a une « finalite physiologique et psychologique ». Mais c’est pour avoir rendu a l’utilite un role central que Souriau a ete considere comme le pere d’une « esthetique fonctionnelle » fondee sur le rejet de l’ornement. Cette lecture ne resiste pas a l’examen de La Beaute rationnelle, ouvrage qui doit etre compris comme partie d’une esthetique qui reste tres fortement attachee aux ideaux morrisiens de valorisation de l’artisanat et a l’ornement rationaliste et organiciste defendu par Galle. S’il y a une forme de beaute – la « beaute mecanique » – produite par la parfaite convenance d’une forme a sa fin, celle-ci deborde largement la stricte utilite, et contribue, avec la « beaute d’expression », a enrichir notre quotidien de stimulations visuelles. Le renversement de la hierarchie traditionnelle des arts – « beaux-arts » vs « arts appliques » – s’opere donc a la conjonction de « beaute d’expression » et « beaute mecanique » et comporte l’idee d’une necessaire reception socialisee des arts.Reverie esthetique et utilite, loin de former un couple antinomique, deviennent alors les deux termes d’un nouveau rapport a l’objet d’art, integre a l’univers reenchante des perceptions, dans sa dimension physiologique, materielle et technique.