{"title":"Le statut judiciaire de l’ancien président de la République en Afrique noire francophone entre frein ou consolidation de l’État de droit","authors":"Jean-Michel Olaka","doi":"10.35562/rif.1379","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Depuis une ou deux décennies, le statut pénal du président de la République en Afrique noire francophone a enrichi et stimulé la réflexion sur des questions qui sont longtemps restées des impensés juridiques, comme le statut judiciaire de l’ancien président de la République. Sur cette problématique, la réflexion des constitutionnalistes, de la doctrine et des politiques est longtemps restée très embryonnaire, sinon totalement lacunaire. Quelques auteurs s'étaient bien aventurés à s’interroger sur le statut des anciens présidents en Afrique noire francophone. Le statut judiciaire de l’ancien président de la République en Afrique noire francophone est loin d’être une véritable consolidation de l’État de droit, comme en illustre la constitutionnalisation des immunités dans la plupart des États. Si la notion d’État de droit correspond à une soumission de l’État au droit, alors le premier principe protecteur de cette conception de la modernité démocratique est celui de la légalité. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs. Or, l’ancien président de la République qui est d’un point de vue juridique considéré comme un citoyen comme les autres, est sur le continent africain un citoyen protégé et privilégié. Il bénéficie d’un statut particulier qui le protège contre toutes les poursuites judiciaires des crimes qu’il aurait commis avant, pendant et après l’exercice de ses fonctions. L’observation révèle que les pratiques politiques et constitutionnelles sont souvent en décalage avec les principes du constitutionnalisme, de l’État de droit et s’alimentent par l’impunité institutionnalisée. L’intervention de la CPI est encore loin d’être d’effective dans la poursuite des crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’Union africaine, dont l’Acte constitutif fait du rejet de l’impunité un principe essentiel de l’État de droit, défend l’africanisation de la justice pénale internationale, depuis les divergences politiques qui ont entravé la collaboration de ses membres avec la Cour pénale internationale. Cependant, les États de l’Afrique noire francophone souffrent du manque d’institutions judiciaires disposant de capacités techniques minimales et de l’absence de ressources financières suffisantes, ce qui nuit sérieusement à leur efficacité et leur autonomie. La plupart des cours constitutionnelles ne constituent en fait que des « ornements », des « caisses vides » des dirigeants désireux de s’éterniser au pouvoir par les changements des Constitutions.","PeriodicalId":156892,"journal":{"name":"L’espace économique francophone : concepts, réalités et perspectives","volume":"35 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2022-04-26","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"L’espace économique francophone : concepts, réalités et perspectives","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.35562/rif.1379","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Depuis une ou deux décennies, le statut pénal du président de la République en Afrique noire francophone a enrichi et stimulé la réflexion sur des questions qui sont longtemps restées des impensés juridiques, comme le statut judiciaire de l’ancien président de la République. Sur cette problématique, la réflexion des constitutionnalistes, de la doctrine et des politiques est longtemps restée très embryonnaire, sinon totalement lacunaire. Quelques auteurs s'étaient bien aventurés à s’interroger sur le statut des anciens présidents en Afrique noire francophone. Le statut judiciaire de l’ancien président de la République en Afrique noire francophone est loin d’être une véritable consolidation de l’État de droit, comme en illustre la constitutionnalisation des immunités dans la plupart des États. Si la notion d’État de droit correspond à une soumission de l’État au droit, alors le premier principe protecteur de cette conception de la modernité démocratique est celui de la légalité. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs. Or, l’ancien président de la République qui est d’un point de vue juridique considéré comme un citoyen comme les autres, est sur le continent africain un citoyen protégé et privilégié. Il bénéficie d’un statut particulier qui le protège contre toutes les poursuites judiciaires des crimes qu’il aurait commis avant, pendant et après l’exercice de ses fonctions. L’observation révèle que les pratiques politiques et constitutionnelles sont souvent en décalage avec les principes du constitutionnalisme, de l’État de droit et s’alimentent par l’impunité institutionnalisée. L’intervention de la CPI est encore loin d’être d’effective dans la poursuite des crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’Union africaine, dont l’Acte constitutif fait du rejet de l’impunité un principe essentiel de l’État de droit, défend l’africanisation de la justice pénale internationale, depuis les divergences politiques qui ont entravé la collaboration de ses membres avec la Cour pénale internationale. Cependant, les États de l’Afrique noire francophone souffrent du manque d’institutions judiciaires disposant de capacités techniques minimales et de l’absence de ressources financières suffisantes, ce qui nuit sérieusement à leur efficacité et leur autonomie. La plupart des cours constitutionnelles ne constituent en fait que des « ornements », des « caisses vides » des dirigeants désireux de s’éterniser au pouvoir par les changements des Constitutions.