{"title":"Le bisphénol A (BPA) : le prochain scandale sanitaire pourra-t-il être évité?","authors":"J. Anger, P. Kintz","doi":"10.1051/ATA/2011109","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Objectifs : Le bisphenol A (BPA) est une substance chimique de synthese retrouvee dans les revetements de differents recipients a usage alimentaire (boites de conserve, canettes, bouteilles plastique ou biberons, par exemple). Par chauffage au four a micro-ondes ou dans un lave-vaisselle, le BPA est libere et peut migrer dans l’aliment place au contact de l’emballage. Bien qu’il possede une faible activite œstrogenique, le BPA est suspecte d’etre un « perturbateur endocrinien », comme le fut un medicament de structure tres proche : le diethylstilboestrol ou Distilbene® , utilise apres la Seconde Guerre mondiale chez les femmes enceintes pour consolider leur grossesse et qui entraina un certain nombre d’anomalies genitales chez leurs enfants et petits-enfants parvenus a l’âge adulte. Methodes : Les auteurs se proposent de faire le point sur les acquits toxico-cinetiques et toxicologiques concernant le BPA, ses effets suspectes chez l’homme ainsi que les etudes analytiques permettant d’estimer le niveau de l’impregnation de la population en general. Resultats : Massivement produit dans le monde et disperse dans l’environnement depuis plusieurs annees, le BPA est couramment retrouve dans l’organisme d’une large majorite de la population, quel que soit l’âge. Les premieres etudes de toxicite experimentales menees chez le rat et la souris n’ont pas mis en evidence d’effets significatifs a court ou a long terme. Cependant des travaux recents montrent que le BPA peut induire une puberte precoce, des alterations de l’uterus, du vagin et de l’ovaire chez les animaux femelles tandis que, chez les mâles, on peut observer des effets sur l’appareil genital (hypotrophie testiculaire, hypertrophie prostatique...) et sur la fertilite. Les mesures effectuees dans le sang, l’urine, le lait maternel et autres tissus indiquent que plus de 90 % des personnes vivant dans les pays occidentaux sont exposes au BPA, notamment les enfants. Dans son recent rapport redige en 2010, l’INSERM estime que l’homme adulte ingere en moyenne, par le biais de son alimentation, 0,03 μ g de BPA/kg de poids corporel et par jour. De son cote, l’Agence Francaise de Securite Sanitaire des Aliments (AFSSA) considere, d’apres les donnees de la litterature, que l’exposition des nourrissons resultant a la fois du biberon et de l’emballage du lait maternise se situerait entre 0,2 et 2 μ g de BPA/kg de poids corporel et par jour, soit 10 a 100 fois plus qu’un adulte. Ces valeurs restent toutefois bien inferieures a la DJA fixee a 50 μ g/kg de poids corporel et par jour en 2007 par l’Agence Europeenne de Securite Alimentaire (EFSA). Conclusion : Comme le souligne l’INSERM, il est tres difficile de transposer les resultats de toxicite experimentale a l’homme car trop peu d’etudes epidemiologiques ont evalue a court et a long terme, les effets d’une exposition au BPA sur la fonction de reproduction. Ces etudes constituent des « signaux d’alerte » dont il serait dangereux de ne pas tenir compte a l’avenir. En vertu du principe de precaution bien cher a nos institutions et sur recommandation de l’AFSSA, le Senat puis l’Assemblee nationale, ainsi que la CEE viennent d’interdire recemment en France la fabrication et la commercialisation des biberons contenant du BPA.","PeriodicalId":117929,"journal":{"name":"Annales De Toxicologie Analytique","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"1900-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"4","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Annales De Toxicologie Analytique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1051/ATA/2011109","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Objectifs : Le bisphenol A (BPA) est une substance chimique de synthese retrouvee dans les revetements de differents recipients a usage alimentaire (boites de conserve, canettes, bouteilles plastique ou biberons, par exemple). Par chauffage au four a micro-ondes ou dans un lave-vaisselle, le BPA est libere et peut migrer dans l’aliment place au contact de l’emballage. Bien qu’il possede une faible activite œstrogenique, le BPA est suspecte d’etre un « perturbateur endocrinien », comme le fut un medicament de structure tres proche : le diethylstilboestrol ou Distilbene® , utilise apres la Seconde Guerre mondiale chez les femmes enceintes pour consolider leur grossesse et qui entraina un certain nombre d’anomalies genitales chez leurs enfants et petits-enfants parvenus a l’âge adulte. Methodes : Les auteurs se proposent de faire le point sur les acquits toxico-cinetiques et toxicologiques concernant le BPA, ses effets suspectes chez l’homme ainsi que les etudes analytiques permettant d’estimer le niveau de l’impregnation de la population en general. Resultats : Massivement produit dans le monde et disperse dans l’environnement depuis plusieurs annees, le BPA est couramment retrouve dans l’organisme d’une large majorite de la population, quel que soit l’âge. Les premieres etudes de toxicite experimentales menees chez le rat et la souris n’ont pas mis en evidence d’effets significatifs a court ou a long terme. Cependant des travaux recents montrent que le BPA peut induire une puberte precoce, des alterations de l’uterus, du vagin et de l’ovaire chez les animaux femelles tandis que, chez les mâles, on peut observer des effets sur l’appareil genital (hypotrophie testiculaire, hypertrophie prostatique...) et sur la fertilite. Les mesures effectuees dans le sang, l’urine, le lait maternel et autres tissus indiquent que plus de 90 % des personnes vivant dans les pays occidentaux sont exposes au BPA, notamment les enfants. Dans son recent rapport redige en 2010, l’INSERM estime que l’homme adulte ingere en moyenne, par le biais de son alimentation, 0,03 μ g de BPA/kg de poids corporel et par jour. De son cote, l’Agence Francaise de Securite Sanitaire des Aliments (AFSSA) considere, d’apres les donnees de la litterature, que l’exposition des nourrissons resultant a la fois du biberon et de l’emballage du lait maternise se situerait entre 0,2 et 2 μ g de BPA/kg de poids corporel et par jour, soit 10 a 100 fois plus qu’un adulte. Ces valeurs restent toutefois bien inferieures a la DJA fixee a 50 μ g/kg de poids corporel et par jour en 2007 par l’Agence Europeenne de Securite Alimentaire (EFSA). Conclusion : Comme le souligne l’INSERM, il est tres difficile de transposer les resultats de toxicite experimentale a l’homme car trop peu d’etudes epidemiologiques ont evalue a court et a long terme, les effets d’une exposition au BPA sur la fonction de reproduction. Ces etudes constituent des « signaux d’alerte » dont il serait dangereux de ne pas tenir compte a l’avenir. En vertu du principe de precaution bien cher a nos institutions et sur recommandation de l’AFSSA, le Senat puis l’Assemblee nationale, ainsi que la CEE viennent d’interdire recemment en France la fabrication et la commercialisation des biberons contenant du BPA.