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Abstract
On connait la situation : partout en France, les filieres litteraires des lycees se vident, et dans les universites les effectifs etudiants des departements de lettres, apres avoir connu une chute brutale, stagnent ou continuent de diminuer. Interroges, les etudiants expliquent souvent leur presence dans ces departements comme un pis-aller, faute d’avoir obtenu leur inscription dans une filiere plus selective, plus prestigieuse, plus prometteuse en matiere d’emploi. Les metiers de l’enseignement ne font plus recette, et, quelques annees plus tard, ces memes etudiants s’y resignent plutot qu’ils ne s’y precipitent. Il y a la de toute evidence un phenomene de societe, et meme de civilisation : la litterature a perdu le prestige symbolique qui lui assignait jadis une position centrale dans le systeme educatif, faisant de l’instituteur, homme du livre, le levier de l’ascension sociale, et de la maitrise de la belle langue — la condition necessaire d’une carriere politique ou entrepreneuriale. On n’obtenait point d’ascendant sur les hommes sans maitrise des lettres ; point de preeminence sociale sans le magistere de la culture. La premiere question qui nous est donc posee aujourd’hui, non sans brutalite, est celle de l’utilite de la litterature, non une utilite morale ou democratique1 plaidee sous forme de lamentations et de regret, mais une utilite, une fonction que nous pourrions constater dans la civilisation post-moderne. Plus radicalement encore, peut-on aujourd’hui penser u