{"title":"Corrosion en milieu aqueux des métaux et alliages","authors":"J. Crolet, G. Béranger","doi":"10.51257/a-v2-m150","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Pour Monsieur Tout-le-monde, la corrosion apparait depuis toujours comme un mal mysterieux, associant un milieu, ou l’un de ses composants, un metal, et diverses formes de dommages. D’ou une abondante et ancienne nomenclature traditionnelle, s’appuyant sur l’un ou l’autre de ces trois aspects, corrosion par , corrosion de , et corrosion comment : corrosion par l’air, l’eau de mer ou l’oxygene, par l’atmosphere ou les sols, par les acides, les bases ou les sels, par les bacteries ou les moisissures, ou encore par tous les gentils ou mechants milieux ; corrosion du fer, des aciers ou des fontes, du cuivre, des bronzes ou des laitons, etc. ; corrosion uniforme, caverneuse, par piqures, fissurante, etc. Une telle nomenclature a l’avantage de parfaitement exprimer ponctuellement les observations, les impressions ou les priorites de l’utilisateur de materiaux. Elle presente en revanche l’inconvenient majeur d’etre parfois ingerable en l’etat. En effet, elle aboutit a definir plusieurs milliers de combinaisons sans aucun lien logique entre elles. Dans le diagnostic comme dans la prevention de la corrosion, la seule consideration de ces aspects factuels bruts se traduirait alors par des milliers de recettes inexpliquees et inexplicables. D’ou une situation reellement sans issue. En fait, seule une comprehension scientifique des mecanismes de la corrosion permet une approche simple de ces problemes complexes, et surtout des solutions fiables. Comme on le verra au paragraphe 1, la corrosion aqueuse des metaux est en effet par essence de nature electrochimique. Ceci explique alors que seul un cadre electrochimique puisse permettre d’identifier des lois de comportement simples, et donc egalement des regles de prevention simples. On verra egalement qu’une telle comprehension electrochimique de la corrosion ne demande nullement d’etre un electrochimiste de metier, ou meme de formation. En effet, elle ne fait appel qu’a quelques concepts rudimentaires, et l’objet du paragraphe 1 est precisement d’en permettre une acquisition a la fois naturelle et tres simple. De meme, le peu de liens entre les metiers de la corrosion et les metiers de l’electrochimie font que les conventions internationales en electrochimie n’ont aucune raison d’etre reprises en corrosion. Apres une periode de cohabitation largement infructueuse, les conventions internationales en usage en corrosion ont ainsi tendance a revenir aux conventions historiques initiales, inverses des conventions officielles actuelles en electrochimie. D’une maniere generale d’ailleurs, la comprehension de la corrosion ne demande aucune specialisation particuliere dans une quelconque technique, mais plutot une culture generaliste multidisciplinaire. Lorsque necessaire, les quelques elements indispensables seront donc rappeles a l’occasion, avec renvoi eventuel aux articles correspondants des Techniques de l’Ingenieur. Enfin la corrosion est une discipline qui a ete et demeure tres evolutive. Jusque en 1930 en effet, elle etait restee le regne de l’empirisme le plus total, avec tous les blocages precedemment cites. Ensuite, de 1930 a 1950, il avait encore fallu pres de vingt ans pour prendre pleinement conscience de la nature electrochimique universelle de tous les phenomenes de corrosion aqueuse des metaux, et de toutes les consequences que cette unicite apporte dans la capacite d’etudier, de comprendre et de maitriser chacune des combinaisons precedentes. Une fois cette etape initiatique franchie, la connaissance de la corrosion a ensuite connu trente annees de croissance considerable, notamment sur la passivite des metaux dits passivables. Egalement associee a une forte croissance economique, cette periode 1950-1980 a vu la mise en place de tous les grands principes generaux qui gouvernent aujourd’hui la comprehension de la corrosion, avec une collaboration publique et approfondie entre tous les acteurs universitaires et industriels. La corrosion s’est alors considerablement simplifiee. Depuis 1980 en revanche, la corrosion s’est a nouveau complexifiee. En effet, la mise en application des grands principes de la periode precedente s’est de plus en plus specialisee, famille d’alliages par famille d’alliages, milieu par milieu, branche industrielle par branche industrielle. La conjugaison des mecanismes generaux entre eux, ou leur conjugaison avec des types de milieux specifiques, a ainsi abouti a la creation plus ou moins sur mesure de mecanismes « particuliers ». Pour autant, certains d’entre eux peuvent avoir une occurrence extremement generale, en fonction de l’importance industrielle ou sociale de leur contexte. A l’inverse, d’autres sont restes partiellement confidentiels, soit en raison de leurs liens avec des aspects de procede ou de propriete industrielle, soit plus prosaiquement en raison d’un manque d’empressement a publier de leur decouvreur. Ceci est en effet relativement frequent lorsque ledit decouvreur se trouve etre tout simplement la premiere victime industrielle inaugurant une avarie inedite. Dans ce contexte, le but de cet article est de considerablement simplifier la presentation des grands principes issus de la periode 1950-1980, de maniere a permettre l’adjonction des principaux mecanismes particuliers decouverts dans les vingt dernieres annees. De meme, ce document donnera la clef de l’immense « jeu de Lego » permettant de construire a l’infini de nouveaux mecanismes particuliers, par simple combinaison des mecanismes precedents. Pour toute personne non specialiste qui subit la corrosion, celle-ci se decrit a priori de trois manieres, par le facies, par la cause ou par le dommage : ce dernier en particulier peut se traduire concretement par une perte progressive d’epaisseur (en mm/an), ou son inverse la duree de vie, (percement en 1 nuit, 1 mois ou 5 ans). Il peut aussi se traduire par des dommages localises (piqures, fissures), a progression lente... ou foudroyante ! Cette apparente simplicite recouvre en fait des situations extremement differentes. Dans la realite, il faut donc soigneusement distinguer l’analyse d’un probleme de corrosion, qui est en partie celle ci-dessus, et l’analyse des phenomenes de corrosion eux-memes. Or ces derniers ne peuvent etre presentes simplement que dans une approche electrochimique , car c’est precisement la le fondement de la corrosion aqueuse. Cette approche electrochimique est souvent redoutee du profane, car percue comme etrangere a son probleme. En realite, il s’agit la pour l’essentiel d’un probleme de communication, et pour beaucoup le resultat des tâtonnements d’une pedagogie qui a mis longtemps a se trouver. En fait, il n’y a pas plus simple que l’electrochimie, des lors que l’on ne s’ingenie pas a la compliquer inutilement. Le lecteur pourra se reporter aux references [1], [2] et [21].","PeriodicalId":325211,"journal":{"name":"Corrosion Vieillissement","volume":"14 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"1998-06-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"5","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Corrosion Vieillissement","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.51257/a-v2-m150","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Pour Monsieur Tout-le-monde, la corrosion apparait depuis toujours comme un mal mysterieux, associant un milieu, ou l’un de ses composants, un metal, et diverses formes de dommages. D’ou une abondante et ancienne nomenclature traditionnelle, s’appuyant sur l’un ou l’autre de ces trois aspects, corrosion par , corrosion de , et corrosion comment : corrosion par l’air, l’eau de mer ou l’oxygene, par l’atmosphere ou les sols, par les acides, les bases ou les sels, par les bacteries ou les moisissures, ou encore par tous les gentils ou mechants milieux ; corrosion du fer, des aciers ou des fontes, du cuivre, des bronzes ou des laitons, etc. ; corrosion uniforme, caverneuse, par piqures, fissurante, etc. Une telle nomenclature a l’avantage de parfaitement exprimer ponctuellement les observations, les impressions ou les priorites de l’utilisateur de materiaux. Elle presente en revanche l’inconvenient majeur d’etre parfois ingerable en l’etat. En effet, elle aboutit a definir plusieurs milliers de combinaisons sans aucun lien logique entre elles. Dans le diagnostic comme dans la prevention de la corrosion, la seule consideration de ces aspects factuels bruts se traduirait alors par des milliers de recettes inexpliquees et inexplicables. D’ou une situation reellement sans issue. En fait, seule une comprehension scientifique des mecanismes de la corrosion permet une approche simple de ces problemes complexes, et surtout des solutions fiables. Comme on le verra au paragraphe 1, la corrosion aqueuse des metaux est en effet par essence de nature electrochimique. Ceci explique alors que seul un cadre electrochimique puisse permettre d’identifier des lois de comportement simples, et donc egalement des regles de prevention simples. On verra egalement qu’une telle comprehension electrochimique de la corrosion ne demande nullement d’etre un electrochimiste de metier, ou meme de formation. En effet, elle ne fait appel qu’a quelques concepts rudimentaires, et l’objet du paragraphe 1 est precisement d’en permettre une acquisition a la fois naturelle et tres simple. De meme, le peu de liens entre les metiers de la corrosion et les metiers de l’electrochimie font que les conventions internationales en electrochimie n’ont aucune raison d’etre reprises en corrosion. Apres une periode de cohabitation largement infructueuse, les conventions internationales en usage en corrosion ont ainsi tendance a revenir aux conventions historiques initiales, inverses des conventions officielles actuelles en electrochimie. D’une maniere generale d’ailleurs, la comprehension de la corrosion ne demande aucune specialisation particuliere dans une quelconque technique, mais plutot une culture generaliste multidisciplinaire. Lorsque necessaire, les quelques elements indispensables seront donc rappeles a l’occasion, avec renvoi eventuel aux articles correspondants des Techniques de l’Ingenieur. Enfin la corrosion est une discipline qui a ete et demeure tres evolutive. Jusque en 1930 en effet, elle etait restee le regne de l’empirisme le plus total, avec tous les blocages precedemment cites. Ensuite, de 1930 a 1950, il avait encore fallu pres de vingt ans pour prendre pleinement conscience de la nature electrochimique universelle de tous les phenomenes de corrosion aqueuse des metaux, et de toutes les consequences que cette unicite apporte dans la capacite d’etudier, de comprendre et de maitriser chacune des combinaisons precedentes. Une fois cette etape initiatique franchie, la connaissance de la corrosion a ensuite connu trente annees de croissance considerable, notamment sur la passivite des metaux dits passivables. Egalement associee a une forte croissance economique, cette periode 1950-1980 a vu la mise en place de tous les grands principes generaux qui gouvernent aujourd’hui la comprehension de la corrosion, avec une collaboration publique et approfondie entre tous les acteurs universitaires et industriels. La corrosion s’est alors considerablement simplifiee. Depuis 1980 en revanche, la corrosion s’est a nouveau complexifiee. En effet, la mise en application des grands principes de la periode precedente s’est de plus en plus specialisee, famille d’alliages par famille d’alliages, milieu par milieu, branche industrielle par branche industrielle. La conjugaison des mecanismes generaux entre eux, ou leur conjugaison avec des types de milieux specifiques, a ainsi abouti a la creation plus ou moins sur mesure de mecanismes « particuliers ». Pour autant, certains d’entre eux peuvent avoir une occurrence extremement generale, en fonction de l’importance industrielle ou sociale de leur contexte. A l’inverse, d’autres sont restes partiellement confidentiels, soit en raison de leurs liens avec des aspects de procede ou de propriete industrielle, soit plus prosaiquement en raison d’un manque d’empressement a publier de leur decouvreur. Ceci est en effet relativement frequent lorsque ledit decouvreur se trouve etre tout simplement la premiere victime industrielle inaugurant une avarie inedite. Dans ce contexte, le but de cet article est de considerablement simplifier la presentation des grands principes issus de la periode 1950-1980, de maniere a permettre l’adjonction des principaux mecanismes particuliers decouverts dans les vingt dernieres annees. De meme, ce document donnera la clef de l’immense « jeu de Lego » permettant de construire a l’infini de nouveaux mecanismes particuliers, par simple combinaison des mecanismes precedents. Pour toute personne non specialiste qui subit la corrosion, celle-ci se decrit a priori de trois manieres, par le facies, par la cause ou par le dommage : ce dernier en particulier peut se traduire concretement par une perte progressive d’epaisseur (en mm/an), ou son inverse la duree de vie, (percement en 1 nuit, 1 mois ou 5 ans). Il peut aussi se traduire par des dommages localises (piqures, fissures), a progression lente... ou foudroyante ! Cette apparente simplicite recouvre en fait des situations extremement differentes. Dans la realite, il faut donc soigneusement distinguer l’analyse d’un probleme de corrosion, qui est en partie celle ci-dessus, et l’analyse des phenomenes de corrosion eux-memes. Or ces derniers ne peuvent etre presentes simplement que dans une approche electrochimique , car c’est precisement la le fondement de la corrosion aqueuse. Cette approche electrochimique est souvent redoutee du profane, car percue comme etrangere a son probleme. En realite, il s’agit la pour l’essentiel d’un probleme de communication, et pour beaucoup le resultat des tâtonnements d’une pedagogie qui a mis longtemps a se trouver. En fait, il n’y a pas plus simple que l’electrochimie, des lors que l’on ne s’ingenie pas a la compliquer inutilement. Le lecteur pourra se reporter aux references [1], [2] et [21].