{"title":"‘Why is it that a photograph always looks clear and sharp, — not at all like a Turner?’ John Ruskin & Perceptual Aberration","authors":"L. Gasquet","doi":"10.4000/cve.7078","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"L’invention de l’appareil photographique au xixe siecle fait que les discours scientifiques et artistiques lui reservent une place de choix ; la photographie a egalement influence la theorie esthetique de John Ruskin, comme le montre l’etude de certains de ses ecrits. La photographie revele par exemple l’existence de certaines distorsions de la perception dues a la physiologie humaine ; differentes formes de deformations perceptuelles sont analysees par Ruskin, que ce soit au sujet des tableaux de Turner ou de l’œuvre de photographes travaillant la technique du daguerreotype. Dans le quatrieme volume de Modern Painters, Ruskin constate que la photographie se rapproche peut-etre davantage de la peinture qu’il n’a d’abord pense : « Les photographies ne sont jamais vraiment nettes ; mais, puisque la nettete est supposee etre leur principale qualite, elles representent souvent des sujets qui sont choisis pour cela, et qui se demarquent de l’esthetique de Turner ; et, lorsque le resultat est brumeux et a peine perceptible, et bien que cela caracterise les meilleures photographies en terme de qualite de rendu de la nature, on jette ces cliches, et on garde uniquement ceux qui sont nets. Ces derniers pourtant tirent leur force precisement des defauts du processus photographique meme. La photographie en effet soit accentue exagerement les ombres, soit augmente la lumiere en effacant des details […] elle passe donc a cote de certaines des subtilites les plus admirables de l’effet de nature (qui est souvent l’objectif premier de Turner), alors qu’elle parvient a rendre des subtilites de forme que la main humaine ne peut produire. » (Ruskin, 1856, vol. IV, Chapitre IV, §11). Je m’efforcerai dans cet article de definir quelques-unes des implications de l’acte de vision tel que concu par Ruskin, interrogeant les differences entre forme et effet par exemple. Je montrerai comment certains des obstacles qui entravent la vision humaine sont parfois percus comme salvateurs par Ruskin, donnant naissance a certains de ses plus fameux arguments en faveur de la superiorite de l’art medieval sur celui de la Renaissance. Si Ruskin defend l’imperfection, c’est avant tout parce qu’elle est due a une distorsion perceptuelle de source physiologique, et que celle-ci doit etre respectee, pensee, puis representee par l’artiste.","PeriodicalId":242548,"journal":{"name":"Cahiers victoriens et édouardiens","volume":"88 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2020-06-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Cahiers victoriens et édouardiens","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.4000/cve.7078","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
L’invention de l’appareil photographique au xixe siecle fait que les discours scientifiques et artistiques lui reservent une place de choix ; la photographie a egalement influence la theorie esthetique de John Ruskin, comme le montre l’etude de certains de ses ecrits. La photographie revele par exemple l’existence de certaines distorsions de la perception dues a la physiologie humaine ; differentes formes de deformations perceptuelles sont analysees par Ruskin, que ce soit au sujet des tableaux de Turner ou de l’œuvre de photographes travaillant la technique du daguerreotype. Dans le quatrieme volume de Modern Painters, Ruskin constate que la photographie se rapproche peut-etre davantage de la peinture qu’il n’a d’abord pense : « Les photographies ne sont jamais vraiment nettes ; mais, puisque la nettete est supposee etre leur principale qualite, elles representent souvent des sujets qui sont choisis pour cela, et qui se demarquent de l’esthetique de Turner ; et, lorsque le resultat est brumeux et a peine perceptible, et bien que cela caracterise les meilleures photographies en terme de qualite de rendu de la nature, on jette ces cliches, et on garde uniquement ceux qui sont nets. Ces derniers pourtant tirent leur force precisement des defauts du processus photographique meme. La photographie en effet soit accentue exagerement les ombres, soit augmente la lumiere en effacant des details […] elle passe donc a cote de certaines des subtilites les plus admirables de l’effet de nature (qui est souvent l’objectif premier de Turner), alors qu’elle parvient a rendre des subtilites de forme que la main humaine ne peut produire. » (Ruskin, 1856, vol. IV, Chapitre IV, §11). Je m’efforcerai dans cet article de definir quelques-unes des implications de l’acte de vision tel que concu par Ruskin, interrogeant les differences entre forme et effet par exemple. Je montrerai comment certains des obstacles qui entravent la vision humaine sont parfois percus comme salvateurs par Ruskin, donnant naissance a certains de ses plus fameux arguments en faveur de la superiorite de l’art medieval sur celui de la Renaissance. Si Ruskin defend l’imperfection, c’est avant tout parce qu’elle est due a une distorsion perceptuelle de source physiologique, et que celle-ci doit etre respectee, pensee, puis representee par l’artiste.