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Abstract
Dans l’un de ses fragments sur le luxe, le commerce et les arts, Rousseau soutient qu’il écrit pour contrer des idées accréditées en son temps : « dans le système que j’attaque »... De même dans un autre fragment, où il prétend n’avoir entrepris d’écrire que pour réfuter « deux philosophes modernes » qui ont voulu décrire tous les bienfaits du luxe. D’où l’hypothèse d’une dimension polémique de la philosophie économique de Rousseau, et un questionnement immédiat : qui Rousseau attaque-t-il ? L’adversaire est-il toujours le même ? Peut-on souscrire aux idées reçues sur la critique archaïque adressée par Rousseau à « l’économie politique » naissante ? Sans doute faut-il se méfier d’une approche trop substantialiste : au moment où écrit Rousseau, l’économie politique n’existe pas comme science autonome, dotée d’une épistémologie fondatrice et d’une méthode unifiée. Ce n’est que vers la fin des années 1760 que l’expression « économie politique » en viendra réellement – avec la « science nouvelle » des Physiocrates – à signifier l’étude de la formation, de la distribution et de la consommation des richesses. Mais même à ce moment, l’équivoque ne sera pas levée : les deux articles de L’Encyclopédie, « Economie » de Rousseau (1755) et même « Œconomie politique » de Boulanger (1765), montrent bien que l’économie politique continue à l’époque à traiter d’organisation (en l’occurrence, du corps politique)2. Par conséquent, si l’on assiste à l’avènement progressif en France, dans la première moitié du XVIIIe siècle, des préoccupations relatives aux richesses, à leur production et à leur distribution, et à l’importation par Melon du paradigme anglais de l’arithmétique politique, il n’existe pas pour autant de science homogène face à laquelle