{"title":"Une crise sanitaire avant tout","authors":"F. Braun","doi":"10.3166/afmu-2020-0260","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Notre pays fait face à une crise sanitaire d’une ampleur sans précédent depuis des décennies. Même si cette crise n’est pas terminée et que nos retours d’expérience sont encore en cours, il est essentiel de partager au plus vite les conclusions que nous pouvons déjà en tirer : c’est l’objectif des articles qui suivent. Nos réponses, les réponses du système de santé, ont suivi la cinétique de cette crise en anticipant et en s’y adaptant sans cesse, tenant compte des connaissances sur ce virus et cette pandémie qui ne cessent de progresser. C’est sur la base de cette cinétique qu’il convient d’analyser nos actions. Début janvier 2020, lorsque nous étions informés de la pandémie en Chine, le risque paraissait lointain pour tous. La réunion, le 4 février 2020, de l’ensemble des responsables de Samu-Centre 15 nous permettait d’échanger sur l’évolution de nos plateformes de régulation médicale vers le service d’accès aux soins (SAS) : c’était prémonitoire [1]. Fin février 2020, le cluster de Creil nous a confirmé que cette crise sanitaire risquait de s’étendre rapidement et que les Samu-Centre 15 étaient en première ligne : de 400 dossiers de régulation médicale traités le vendredi, le SamuCentre 15 de l’Oise passait à 1 400 dossiers le dimanche... Les Samu et les services d’urgence des Hauts-de-France se sont organisés avec le renfort du Samu de Paris, Samu zonal d’Île-de-France, pour répondre à cette surcharge. Nous échangions quotidiennement entre nous, les bonnes idées diffusaient rapidement. Mi-mars 2020 (entre le 10 et le 15 mars), les Samu-Centre 15 sur tout le territoire national ont fait face à une multiplication par 3, voire 4 de leurs activités, augmentation brutale (en 24 heures). Les courbes des appels aux numéros d’urgence (Fig. 1) témoignent que seul le « 15 » a subi cette vague imprévisible. Nous avons alors adapté nos effectifs, nos moyens techniques et nos organisations pour y faire face [2]. Cette augmentation d’appels ne s’est pas alors traduite, sur le terrain, par un engagement de moyens de réanimation (Smur) ou de transports sanitaires supplémentaires, mais par une augmentation des parcours de soins non hospitaliers. Le 15 mars 2020, nos collègues de Mulhouse et de Colmar nous alertaient sur la situation dans le Haut-Rhin qui avait quelques jours d’avance sur le Bas-Rhin et la Moselle et une semaine sur l’Île-de-France. « Depuis trois jours, nous sommes submergés aux urgences par un flux incessant de patients avec critères d’hospitalisation, AEG, hypoxémie importante, pneumopathies bilatérales... le taux d’hospitalisation après passage aux urgences est de 40 %. » « Les lits de réanimation de la région sont saturés, et impossible de trouver des respirateurs pour ouvrir de nouveaux postes de réa. » « Durant ces 15 derniers jours, toutes les mesures que nous avons prises ont été dépassées et donc insuffisantes dans la journée même, tant la cinétique est rapide. » « Préparez-vous, ainsi que vos personnels, à cette vague majeure. Il y avait un avantCovid-19, il y aura un après-Covid-19 avec de très lourdes cicatrices » [3]. Cette information, largement diffusée, permettra à tous de se préparer activement. Une semaine plus tard, les patients graves se multipliaient : les services de réanimation des zones les plus touchées se remplissaient à toute vitesse. La simple « grippette » annoncée par certains se révélait, en France comme en Italie quelques jours plus tôt, pourvoyeuse de cas graves et mortels. Nos Smur et les services d’urgence étaient alors fortement sollicités, et la charge psychologique terrible pour les soignants. Après la prise en charge téléphonique et « en ville » de patients peu graves, nous étions confrontés à une vague de patients graves dont nous identifierons, malheureusement après, qu’elle était prévisible [4].","PeriodicalId":367329,"journal":{"name":"Annales françaises de médecine d’urgence","volume":"9 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2020-09-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"2","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Annales françaises de médecine d’urgence","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.3166/afmu-2020-0260","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Notre pays fait face à une crise sanitaire d’une ampleur sans précédent depuis des décennies. Même si cette crise n’est pas terminée et que nos retours d’expérience sont encore en cours, il est essentiel de partager au plus vite les conclusions que nous pouvons déjà en tirer : c’est l’objectif des articles qui suivent. Nos réponses, les réponses du système de santé, ont suivi la cinétique de cette crise en anticipant et en s’y adaptant sans cesse, tenant compte des connaissances sur ce virus et cette pandémie qui ne cessent de progresser. C’est sur la base de cette cinétique qu’il convient d’analyser nos actions. Début janvier 2020, lorsque nous étions informés de la pandémie en Chine, le risque paraissait lointain pour tous. La réunion, le 4 février 2020, de l’ensemble des responsables de Samu-Centre 15 nous permettait d’échanger sur l’évolution de nos plateformes de régulation médicale vers le service d’accès aux soins (SAS) : c’était prémonitoire [1]. Fin février 2020, le cluster de Creil nous a confirmé que cette crise sanitaire risquait de s’étendre rapidement et que les Samu-Centre 15 étaient en première ligne : de 400 dossiers de régulation médicale traités le vendredi, le SamuCentre 15 de l’Oise passait à 1 400 dossiers le dimanche... Les Samu et les services d’urgence des Hauts-de-France se sont organisés avec le renfort du Samu de Paris, Samu zonal d’Île-de-France, pour répondre à cette surcharge. Nous échangions quotidiennement entre nous, les bonnes idées diffusaient rapidement. Mi-mars 2020 (entre le 10 et le 15 mars), les Samu-Centre 15 sur tout le territoire national ont fait face à une multiplication par 3, voire 4 de leurs activités, augmentation brutale (en 24 heures). Les courbes des appels aux numéros d’urgence (Fig. 1) témoignent que seul le « 15 » a subi cette vague imprévisible. Nous avons alors adapté nos effectifs, nos moyens techniques et nos organisations pour y faire face [2]. Cette augmentation d’appels ne s’est pas alors traduite, sur le terrain, par un engagement de moyens de réanimation (Smur) ou de transports sanitaires supplémentaires, mais par une augmentation des parcours de soins non hospitaliers. Le 15 mars 2020, nos collègues de Mulhouse et de Colmar nous alertaient sur la situation dans le Haut-Rhin qui avait quelques jours d’avance sur le Bas-Rhin et la Moselle et une semaine sur l’Île-de-France. « Depuis trois jours, nous sommes submergés aux urgences par un flux incessant de patients avec critères d’hospitalisation, AEG, hypoxémie importante, pneumopathies bilatérales... le taux d’hospitalisation après passage aux urgences est de 40 %. » « Les lits de réanimation de la région sont saturés, et impossible de trouver des respirateurs pour ouvrir de nouveaux postes de réa. » « Durant ces 15 derniers jours, toutes les mesures que nous avons prises ont été dépassées et donc insuffisantes dans la journée même, tant la cinétique est rapide. » « Préparez-vous, ainsi que vos personnels, à cette vague majeure. Il y avait un avantCovid-19, il y aura un après-Covid-19 avec de très lourdes cicatrices » [3]. Cette information, largement diffusée, permettra à tous de se préparer activement. Une semaine plus tard, les patients graves se multipliaient : les services de réanimation des zones les plus touchées se remplissaient à toute vitesse. La simple « grippette » annoncée par certains se révélait, en France comme en Italie quelques jours plus tôt, pourvoyeuse de cas graves et mortels. Nos Smur et les services d’urgence étaient alors fortement sollicités, et la charge psychologique terrible pour les soignants. Après la prise en charge téléphonique et « en ville » de patients peu graves, nous étions confrontés à une vague de patients graves dont nous identifierons, malheureusement après, qu’elle était prévisible [4].