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Abstract
Alors qu’il venait tout juste de franchir la barre des vingt-deux ans, Samuel Beckett s’est permis de circonscrire l’un des problèmes majeurs de la critique à venir sur son œuvre. En effet, le premier paragraphe qui ouvre « Dante ... Bruno.Vico..Joyce » (1929), et donc ainsi sa vie d’écrivain publié1, borne le regard critique entre deux phares : « the neatness of identifications » ainsi que « the satisfaction of the analogymongers »2. Si le premier de ces deux termes uniquement est qualifié de « danger », il apparaît effectivement que l’écriture beckettienne souffre d’un complexe face à ce qui pourrait apparaître comme une précision de certaines identifications. De fait, à ne prendre qu’un exemple, et ce au plus près chronologiquement du premier essai critique publié par Beckett dans la revue transition, « Le Concentrisme » peut offrir l’un des meilleurs aperçus de la problématique surréaliste dans son œuvre. Cette seule et unique lecture, qui nous est léguée par le Beckett académique, mais d’un académisme bien particulier puisqu’il frise l’impertinence des canulars, date certainement de l’année 1930, incertitude, effectivement, puisque le manuscrit demeure indaté. Cette date semble toutefois plus que probable pour la rédaction de ce texte qui emprunte à l’École Normale Supérieure cette culture de la plaisanterie et peut-être même cette afféterie qui gonfle Beckett d’une certaine supériorité. Or, autant cette date incertaine que ce sentiment de supériorité nous sont désormais rendus plus que plausibles par la correspondance beckettienne publiée : « J’ai fait une communication à la M.L.S. sur un poète français non existant – Jean du Chas – et j’ai écrit les poèmes moi-même et cela m’a amusé quelques jours »3. Cette lettre, datée du 14 novembre 1930 et envoyée à Thomas MacGreevy, si elle insiste sur le canular et la joie procurée par cette facétie qui semble avoir fonctionné, donne également à voir un Beckett en plein mensonge. Peut-être le canular a-t-il bien porté ses fruits, et peut-être qu’effectivement cette supercherie a amusé Beckett quelques jours, mais nullement il n’aurait dû se vanter d’avoir « écrit les poèmes [lui]-même ». Samuel Beckett y désinforme effectivement son destinataire en passant sous silence au moins sept citations